Le grand retour du train à Luchon… en diesel, pas en hydrogène
On nous avait promis un train à hydrogène, symbole d’un avenir plus vert. Ce sera finalement un diesel, sur une ligne que la SNCF avait abandonnée et que les voyageurs avaient désertée.
(Nouvelle gare de Luchon / Photo © H.H.)
Annoncée comme le grand laboratoire de la mobilité verte, la ligne Montréjeau-Luchon reprendra du service le 22 juin, après dix ans d’interruption. Mais loin du train à hydrogène promis, c’est un diesel qui entrera en gare. Et derrière les discours enthousiastes, une réalité plus nuancée refait surface.
Dix ans. Dix ans que le quai de la gare de Luchon n’a pas vu le nez d’un train. Le 22 juin prochain, ce sera chose réparée : le rail fera son grand retour au pied des Pyrénées, dans cette cité thermale longtemps privée de desserte ferroviaire.
Depuis des mois, les annonces s’accumulent, les communiqués s’emballent. On parle de "renaissance", d’"exemplarité écologique", et surtout d’une première française : faire circuler un train à hydrogène sur une ligne de l’hexagone.
La Région Occitanie, propriétaire de la ligne depuis 2022, a beaucoup misé sur cette opération à double fond : reconnecter le territoire, tout en le hissant au rang de vitrine nationale de la transition énergétique.
Mais à quelques semaines de l’événement, une petite vérité revient sur les rails : le train à hydrogène ne circulera pas. Pas tout de suite. Et peut-être même pas avant longtemps.
Le retour… du diesel
Car le 22 juin, c’est un train diesel qui assurera les allers-retours entre Montréjeau et Luchon. Oui, le bon vieux thermique. Loin de l’image propre et silencieuse du train à hydrogène rêvé…
Alors bien sûr, on nous dit que l’hydrogène viendra "plus tard", en 2026. Mais les nouvelles venues d’Alstom, constructeur des rames Coradia iLint, sont peu rassurantes : retards en cascade, pannes à répétition en Allemagne, problèmes d’approvisionnement, rappel de flotte… et plus aucun calendrier ferme côté français.
Même la Région, pourtant en première ligne, l’admet aujourd’hui sans détour.
"À ce stade, Alstom n'est pas en mesure de répondre de manière satisfaisante à ses engagements – ce qui est évidemment très dommageable – et surtout ne peut tenir le calendrier annoncé. À présent, il n'y a plus vraiment de calendrier", confie Jean-Luc Gibelin, vice-président aux mobilités de la Région, au quotidien économique "La Tribune" (Edition abonnés).
Une déclaration qui a le mérite d’être franche. Et qui résume, à elle seule, le flou dans lequel s’enfonce cette vitrine écologique tant vantée.
Une ligne fermée… et désertée
Avant de rêver de l’avenir, il faut aussi se rappeler d’où l’on vient. La ligne Montréjeau-Luchon n’a pas été suspendue en 2014 seulement à cause des inondations de l’année précédente, comme on l’entend trop souvent. Elle était déjà à bout de souffle : rails vétustes, infrastructure dégradée, ralentissements généralisés. Mais surtout : une fréquentation famélique.
Les derniers mois avant sa fermeture ressemblaient à une lente agonie. Des wagons vides, ou presque. Une desserte qui ne répondait plus à la demande, faute de voyageurs… ou faute d’y croire encore ? La SNCF, de son côté, avait visiblement cessé d’y investir depuis longtemps.
En clair : la ligne était devenue un fantôme sur des rails rouillés.
Le pari régional, entre audace et illusion
La Région Occitanie, il faut le souligner, a pris un pari audacieux : racheter cette ligne, la régénérer, y injecter 67 millions d’euros et commander trois rames hydrogène bi-mode auprès d’Alstom et CAF. Une démarche pionnière, soutenue par la volonté de produire localement un hydrogène vert à partir d’énergies renouvelables. Sur le papier, l’ambition est réelle.
Mais dans les faits, la technologie patine. Et la question de la fréquentation n’a pas disparu.
Car une fois passé l’effet d’annonce, qui prendra ce train au quotidien ? Les curistes ? Quelques touristes d’été ? Les habitants permanents ne sont pas légion, et la voiture reste souvent incontournable dans une vallée de montagne où la mobilité douce reste un concept lointain.
La transition n’est pas un slogan
L’idée du train à hydrogène n’est pas à enterrer. Mais la ligne Montréjeau-Luchon rappelle une leçon essentielle : la transition écologique ne se décrète pas, elle se construit. Et elle ne tient pas sur une affiche, mais sur un rail solide, une rame fiable, et des usagers présents.
Le 22 juin, un train arrivera bien en gare de Luchon. C’est une bonne nouvelle. Mais sous les applaudissements, gardons en tête que ce retour n’est pas celui de l’avenir promis, mais celui d’un compromis. Celui d’un train diesel sur une ligne désertée, repeinte en vert le temps d’un projet ambitieux… qui n’a pas encore trouvé son moteur.
(Illustration : un TER aux couleurs de la Région Occitanie / Photo © Paul Tian)
Une bonne idée a priori, mais l'exploitation de cette ligne telle qu'elle est prévue sera une ruine.
- le train à hydrogène n'est pas du tout approprié sur une courte distance, il faudrait un train à batterie. Le train à hydrogène est de plus extrêmement coûteux.
- la desserte de Saléchan (village de 260 habitants) est ridicule
- celles de Loures Barousse sera à remettre en question selon les résultats de fréquentation
- aucun programme d'urbanisme prévu autour des gares desservies alors que le train est efficace de zone dense à zone dense.
Un projet de vitrine pas assez approfondi, qui risque d'être un exemple de dilapidation d'argent public, comme la liaison ferroviaire Oloron-Bedous.
Chaque chose en son temps, c'est comme dans la vie !