(Raymond Vergés, député de la Réunion, l’un des artisans de la départementalisation)
La date du 19 mars n’a pas uniquement un rapport avec l’année 1962 et le cessez-de-feu en Algérie suite à la signature, la veille, des accords d’Evian (lire ici mon témoignage).
Voici un autre 19 mars, historique, pour les “quatre vieilles colonies” de l’ancien Empire français :
Le 19 mars 1946, l'Assemblée nationale votait la départementalisation des “quatre vieilles” colonies - la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et La Réunion. Ce vote historique marquait un tournant majeur dans l'histoire de la France et de ses colonies.
Cette décision était le fruit de l'effort conjoint de députés tels que Léon Lepervanche, Raymond Vergès, Gaston Monnerville, Eugénie Éboué-Tell, Léopold Bissol et Aimé Césaire, ce dernier étant le rapporteur de la loi. Elle symbolisait une avancée significative dans la reconnaissance des droits des habitants de ces territoires, qui avaient obtenu la citoyenneté française et le droit de vote dès 1848.
La départementalisation a eu des conséquences profondes pour les quatre anciennes colonies.
Un événement historique qui a constitué un jalon essentiel dans le processus de décolonisation et de reconnaissance des droits des populations des territoires d'outre-mer.
Loi du 19 mars 1946
Article 1 : Les colonies de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Réunion et la Guyane française sont érigées en départements français.
Article 2 : Les lois et décrets actuellement en vigueur dans la France métropolitaine et qui ne sont pas encore appliqués à ces colonies feront, avant le 1er janvier 1947, l'objet de décrets d'application à ces nouveaux départements.
Article 3 : Dès la promulgation de la présente loi, les lois nouvelles applicables à la métropole le seront dans ces départements, sur mention expresse insérée aux textes. La présente loi, délibérée et adoptée par l'Assemblée nationale constituante, sera exécutée comme loi de l'Etat.
Voici le texte publié par Cyrille Melchior, Président du Conseil départemental de La Réunion :
“19 Mars, un chemin, un destin
En ce 19 mars 2024, nous célébrons deux anniversaires marquants pour l’histoire de La Réunion. D’une part, nous célébrons le 231e anniversaire du changement de nom de l’île Bourbon, devenue île de La Réunion, par décret en date du 19 mars 1793.
Si l’origine de son nom est politique, en référence à « la réunion des états généraux », personne ne doutait que son nom illustrerait à merveille la destinée de cette île monde, au confluent des continents, territoire de brassage et de métissage des cultures de tous les horizons, exemplaire aux yeux de la planète dans un contexte où les conflits embrasent notre monde.
La Réunion est un territoire de bien vivre ensemble que le peuple réunionnais s’est attaché au fil de son histoire à forger et à faire prospérer, comme une lumière éclairant la lanterne de notre destinée, celle d’un territoire de liberté, d’égalité, et de fraternité.
Cette devise républicaine qui apparaît sur le fronton de nos mairies a pris un sens tout particulier le 19 mars 1946, avec la départementalisation obtenue sous l’impulsion de nos députés Raymond Vergès et Léon de Lepervanche qui ont porté cette loi fondatrice de la destinée réunionnaise.
Ce nouveau statut offrait à notre territoire une nouvelle organisation institutionnelle où la déconcentration, puis la décentralisation prenaient pleinement effet un peu plus tard en 1982.
Il donnait surtout le coup d’envoi d’un plan de rattrapage sans précédent. En effet, La Réunion a connu un développement fulgurant au cours de ces 78 dernières années dans bien des domaines : la santé, l’éducation, les infrastructures, la résorption de l’habitat insalubre, l’égalité sociale, le développement économique, la promotion de la culture et du sport, l’ouverture sur l’Europe et l’océan Indien, la prise en compte de la dimension environnementale et écologique...
La Réunion a fait, en quelques décennies, des pas de géant sous l’impulsion de personnalités visionnaires et audacieuses, parmi lesquelles figurent notamment Michel Debré, Raymond Barre, Pierre Lagourgue, Paul Vergès, Louis et Jean‐Paul Virapoullé ou encore Wilfrid Bertile. Tous, à des niveaux divers, ont su porter ou portent encore, au‐delà des clivages politiques, le développement de La Réunion, son ancrage indianocéanique et indopacifique, ainsi que sa pleine appartenance à la France et à l’Union européenne en qualité de région ultrapériphérique.
Ces progrès ne doivent néanmoins pas occulter nos handicaps structurels. L’actualité démontre avec acuité combien notre territoire est malheureusement en proie à des fragilités qui freinent son développement et l’épanouissement des populations.
À commencer par la cherté de la vie qui, dans un contexte inflationniste, est plus que jamais un combat à mener pour améliorer les leviers d’action, en travaillant sur des dossiers cruciaux tels que celui de la transparence sur la constitution des prix ou l’adaptation des normes nationales et européennes aux réalités locales.
Je pense aussi à la question du logement qui inquiète nos concitoyens mais aussi les professionnels du BTP dans un contexte de ralentissement des constructions, cela, alors que plus 40 000 demandes de logements sont en instance dans le parc social.
L’éducation de nos enfants est et doit rester également la mère des batailles afin de les préparer à être les citoyens de demain, mais aussi à porter l’excellence réunionnaise le plus loin possible.
L’expression la plus marquante de La Réunion des talents se retrouve à travers le sport où excelle sa jeunesse qui se prépare activement au grand rendez‐vous des Jeux olympiques et paralympiques de Paris. Elle rayonne aussi par sa richesse culturelle héritée de notre histoire et de notre peuplement.
La valeur d’une société se mesure aussi à la manière dont elle prend soin de ses aînés. À l’heure de l’accélération du vieillissement de la population réunionnaise, cet enjeu est plus que jamais d’actualité et exige de nous des réponses immédiates et ambitieuses.
C’est tout le sens du plan départemental d’évolution de l’offre qui a vocation à amplifier la dotation du territoire en structures médico‐ sociales pour mieux accompagner le vieillissement, le handicap, et la dépendance. Ce projet sera adossé à un partenariat renforcé avec les communes, dans le cadre de la troisième génération du Pacte de solidarité territoriale, visant à mieux équiper les territoires en structures d’accueil et de prise en charge.
Le désenclavement de notre île demeure aussi un sujet particulièrement important, à travers une compagnie régionale forte et compétitive, tout comme celui de la préservation d’une presse libre et plurielle qui, telle une boussole, donne le pouls de l’opinion publique et permet aux responsables politiques que nous sommes de choisir le meilleur cap pour notre île.
Comment ne pas évoquer le défi du changement climatique et de la transition écologique alors que notre territoire, et tout particulièrement nos agriculteurs, se relèvent difficilement des conséquences du cyclone Belal. Nous devons prendre à bras le corps cette problématique si nous voulons être au rendez‐vous de ce siècle et amener notre territoire vers davantage d’autonomie alimentaire.
78 ans après la départementalisation, si les progrès apportés sont indéniables, les défis à surmonter sont immenses.
Comme le Général de Gaulle, j’ai envie de dire en ce 19 mars 2024, que j’ai une « confiance inébranlable dans le destin » de La Réunion, grâce à notre capacité à bien travailler ensemble, pour bâtir un territoire résilient, exemplaire et solidaire, une terre d’humanité et de bienveillance.”