Je me souviens du jour où le père de mon ami Omar a été tragiquement abattu par les balles d’un commando de l’OAS, tandis qu'il déchargeait des cageots de pastèques de son camion, à Oran. Ce triste événement s'est déroulé lors d'une de ces journées odieusement proclamées “sans arabes” par cette organisation aux penchants fascistes, plongeant notre quotidien dans l'horreur de la haine.
Je me souviens des larmes déchirantes des femmes et des youyous lancinants qui résonnaient dans la nuit chez Omar. En tant que seul "européen" au milieu de cette tragédie, je ressentais la douleur et le désespoir qui étreignaient chaque membre de sa famille. A de nombreuses reprises, la mère d’Omar m’a enserré dans ses bras avec une force émouvante, comme si elle cherchait à trouver un semblant de soutien dans ce monde de chaos alors que je n’étais qu’un enfant.
Les échanges, en arabe, se déroulaient autour de moi, et c’est par l’entremise d’Omar que les lamentations et les pleurs prenaient sens pour moi. De jeunes hommes, le regard empreint de colère et de désir de justice, exprimaient leur soif de vengeance, créant une atmosphère tendue et sombre dans laquelle nous étions tous plongés. Je ressentais le regard hostile de certains d’entre eux, comme une manifestation tangible de la violence qui rôdait dans l'air.
Dans les heures tardives qui ont suivi, je suis redescendu vers mon appartement, accompagné par Omar, les bras chargés de gâteaux au miel, nos visages baignés de larmes.
Omar a passé la nuit chez nous.
C’est dans ces instants douloureux que la réalité de la guerre dans laquelle nous étions plongés m'a frappé de plein fouet, soulignant la brutalité de la vie quotidienne dans ce contexte de conflit implacable.
Je me souviens de chaque détail, chaque émotion, gravés à jamais dans ma mémoire, témoins de cette époque sombre que je tente de retracer dans mon récit “Sirocco et Pastèque”.
(Photo illustration : Oleg Ivanov sur Unsplash)