Je me souviens des moments enchanteurs passés au sommet de notre immeuble. C'était là que nos mères déployaient leur linge, transformant cet espace en un théâtre imprégné de souvenirs et de jeux. Souvent, je me retrouvais à lire à mon jeune camarade Omar, qui résidait dans un humble logement à l'étage supérieur. Notre livre préféré était "Vingt ans après" d'Alexandre Dumas de la collection Bleuet des Éditions "Vedette". Ce livre, compagnon fidèle, a traversé mes nombreuses années de déménagements et demeure soigneusement préservé dans ma bibliothèque, une relique du temps en quelque sorte.
À cette époque, Omar, âgé de 5 ou 6 ans, et moi, de quatre années son aîné, partagions ces instants d'évasion littéraire. Omar, étonnamment absent des bancs de l'école, reste un mystère qui s'évapore avec le temps. Ces lectures n'étaient pas simplement des échanges entre deux amis ; elles prenaient parfois une dimension quasi collective. Ses frères et sœurs plus âgés se joignaient à nous, formant un cercle intime pour écouter le récit qui prenait vie sous nos yeux.
Ces moments de lecture résonnent encore aujourd'hui, teintés d'une douce nostalgie qui flotte dans l'air. Ils évoquent une époque où les mots nous emportaient vers des mondes lointains, où l'amitié et la magie littéraire se mêlaient dans la chaleur des après-midis partagés, baignés par les effluves du linge frais et les éclats de rire de nos mères. Mon esprit s'évade souvent vers ces pages lues sous une chaleur accablante, préservant avec soin le souvenir de petits rêveurs que nous étions, bercée par la mélancolie d'une époque où, dehors, la guerre d'Algérie faisait rage. Nous étions encore un peu insouciants et notre existence pouvait encore être faite d’espoirs et de rêves.