Val d'Aran : 80e anniversaire de l'opération "Reconquête de l'Espagne"
Ce week-end, au programme de cette commémoration : expositions, table ronde, documentaires, hommage aux guérilleros anti-franquistes, marche mémorielle...
À l'occasion du 80e anniversaire de l’opération Reconquête de l'Espagne depuis le Val d'Aran par les résistants anti-franquistes, des Journées Commémoratives sont organisées ce week-end à Lès, Es Bordes etVielha. J'ai demandé à Béatrix Mur, trésorière de l'association Voyages Mémoire République Espagnole (VMRE), de m'expliquer en quoi consiste cette commémoration organisée par Memorial Democràtic et Amical Antics Guerrillers de Catalunya.
Béatrix Mur : Je tiens d’abord à rappeler le contexte historique.
En février 1939, après près de 3 ans de guerre, presque 500 000 républicains espagnols, femmes, enfants, anciens et militaires de l’armée Républicaine fuyant les hordes franquistes, tentent de rejoindre par tous les cols pyrénéens, la France, pays des Droits de l’Homme.
C’est pourtant dans la négation des droits les plus élémentaires que le gouvernement français va accueillir cette population : camps de concentration où mourront nombre d’entre eux, de faim, de froid, de maladie, séparation des familles,…
Pourtant malgré cet accueil, ces combattants de la liberté vont continuer la lutte contre le fascisme dans un premier temps en s’engageant dans les Régiments de Marche volontaire, les Compagnies de Travailleurs étrangers, dans un deuxième temps en s’investissant totalement dans des réseaux de résistance.
Très appréciés pour leur courage, leur ténacité et leur grande expérience de la guerre, ils vont occuper des postes importants dans ces réseaux et nombreuses furent les villes, comme Foix, qui furent libérées par ces seuls Républicains espagnols.
Ils furent les premiers à entrer dans Paris avec la fameuse compagnie La Nueve qui continua le combat jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale.
Après cet investissement, ils étaient en droit d’attendre des puissances occidentales, une aide militaire pour chasser Franco. Hélas, cette aide n’arrivera pas.
L’Union Nacional, plateforme politique du Parti Communiste décida alors d’organiser ce qui s’appellera Operacion de Reconquista de España.
Un de ses principaux objectifs était la libération du Val d’Aran où devait s’installer le gouvernement de la République. Ils pensaient ainsi obtenir la reconnaissance des alliés pour aller vers un isolement du régime franquiste et faciliter sa chute dans le contexte de la fin du fascisme en Europe
Ce fût un échec !
Paul Tian : Et donc, 80 ans après, ces journées d’hommage du 18 au 20 octobre ?
Béatrix Mur : Ces journées sont organisées par le Memorial Democratic de la Generalitat de Catalunya et l’association Amical d’Antics guerrillers de Catalunya soutenus par des associations françaises telles que l’Amicale des Anciens Guérilleros Espagnols en France FFI et l’association commingeoise Voyages Mémoire République Espagnole (VMRE).
Ces journées se veulent interdisciplinaires avec des disciplines aussi variées que la recherche, le cinéma, la littérature, la randonnée et l’histoire locale afin d’appréhender de forme globale et avoir une ample vision des évènements qui se sont déroulés dans ces lieux en octobre 1944 et qui restent méconnus d’une partie de la population.
Ainsi, lors des conférences du samedi qui auront lieu à la mairie de Lès à partir de 9h30 :
Il sera ainsi abordé dans une première conférence à la fois le déroulement mais aussi la motivation politique de cette opération avec à l’appui un documentaire de Jorge Amat diffusé sur France 3, “Le val d’Aran : les guérilleros espagnols en France”.
Une exposition, Octubre de 1944, Els Maquis a l’Aran i al Pallars a pour ambition face au révisionnisme et à la montée de l’extrême-droite en Espagne de faire connaître la lutte de ces hommes et femmes dans les établissements scolaires.
La présentation de travaux de recherche sur la répression franquiste et le contrôle social de la population, la vision de l’action de la guérilla depuis la France, le récit des mouvements durant les 12 jours d’occupation, le rôle de la clinique Varsovie non seulement dans la prise en charge médicale des guérilleros mais également en tant que centre de recherche montrera l’intérêt de nombreux intellectuels à cet épisode.
L’histoire locale aura toute sa place dans une table ronde où seront présentées différentes études locales sur les maquis. La projection du documentaire Aquel dia habia una boda permettra de comprendre grâce à la mémoire orale quelle fût la réaction des habitants de la vallée devant l’arrivée des guérilleros. Un hommage sera rendu à Almuneda Grandes pour son livre Ines et la joie qui a permis de faire connaître de façon romancée mais fidèle cette opération ainsi que le rôle joué par les femmes
Le dimanche : une marche conduira les randonneurs de Bossòst jusqu’au cimetière de Es Bordes où reposent 13 guérilleros dont seulement 5 furent identifiés. Le plaisir de marcher dans la montagne sur les Chemins de la Liberté et la connaissance des faits historiques seront intimement liés.
A 13h, une cérémonie institutionnelle d’hommage aux guérilleros et de dévoilement d’une stèle commémorative aura lieu à la salle polyvalente de Es Bordes. Le Secrétaire d’Etat à la Mémoire démocratique du gouvernement espagnol remettra des diplômes aux descendants de ces guérilleros.
Ces journées ont pour objectif de mettre en lumière cette opération encore trop méconnue et honorer 80 ans après ces hommes et femmes qui luttèrent avec abnégation pendant des années pour que nous vivions dans un monde libre.
Paul Tian : Depuis combien de temps VMRE organise cette marche mémorielle ?
Béatrix Mur : Depuis 3 ans, au mois d’octobre, notre association organise cette marche mémorielle sur les traces des guérilleros. Raccourcie cette année en raison des nombreux actes programmés, elle permettra de parcourir 8 km avec 150m de dénivelé de Bossost au cimetière d’Es Bordes où un hommage avec discours, chants et dépôts de fleurs par les institutions catalanes et les diverses associations présentes sera donné à ces hommes et ces femmes qui pour certains laissèrent leur vie dans cette opération au nom de la Liberté.
Les mossos de Esquadra assureront la sécurité des participants dans la traversée des routes.
Départ de la Marche à 8h30 du parking public de Bossost (carrer d’Anglades).
Paul Tian : Je profite de l'occasion pour vous demander de nous parler de votre association ?"
Béatrix Mur : Créée en 2019, et basée à Miramont-de-Comminges, l’association Voyages Mémoire République Espagnole (VMRE) a pour objectif l’organisation de voyages mémoriels pour découvrir les sites et l’histoire des batailles de la guerre d’Espagne, de la répression franquiste jusqu’à la mort du dictateur et de la guérilla qui a perduré jusqu’en 1952.
Nous avons ainsi organisé des voyages avec l’aide d’une Agence spécialisée :
sur les lieux de la bataille de l’Ebro,
en Aragon sur le thème de la répression franquiste pendant la guerre et durant la dictature,
à Santa Cruz de Moya (Cuenca) en hommage aux guérilleros,
à Madrid autour des batailles de Madrid et des Brigades Internationales
aux Asturies sur le thème de la révolution de 1934 et la guerre
à Malaga en lien avec la DESBANDA, hommage aux malaguenos qui en févier 1937 fuirent dans le dénuement le plus total, les troupes de Queipo de Llano pour se réfugier en terres républicaines. Plus de 5000 personnes périrent sur ce qui fût appelé “la carreterra de la muerte”.
En mai 2025, ce sera le Pays Basque et en 2026 Mauthausen où, abandonnés par le gouvernement français qu’ils avaient servi et le gouvernement espagnol qui leur ôta la nationalité espagnole et les rendit apatrides, plus de 7 000 républicains espagnols furent détenus dont plus de 5 000 furent assassinés.
Au-delà de l’organisation de ces voyages, nous participons aux commémorations et hommages organisés par des associations mémorielles espagnoles (La Bolsa de Bielsa, Association pour la Récupération de la Mémoire Historique d’Aragon, la Gavilla Verde, l’ASC La Desbandá) et françaises (CIMER, AAGEF-FFI, ANACR, FFREEE, Chemins de la Liberté, Maquis de Campels, et de La Baderque, Cimetière anglo-canadien du Douly... ).
Dans ces temps de révisionnisme et de montée des idéologies d’extrême-droite, nous avons pour ambition de faire vivre la mémoire des Républicains Espagnols et combattants qui luttèrent pour leur liberté et pour la nôtre, de faire connaître les actions menées en Espagne pour la récupération de la Mémoire Démocratique.
Contacts : vmre.asso@gmail.com
Présidente : Chantal Penicaut Gorrindo / Tél : + 33 674 76 87 80