TikTok : l’algorithme qui dévore l’adolescence
TikTok ne se contente pas de refléter la détresse des jeunes : il la stimule, la met en scène, et en fait une tendance.
Il y a des noms d’applications qui, sous couvert de divertissement, deviennent les architectes silencieux de la détresse des enfants. TikTok, ce géant venu de Chine, n’est plus ce terrain de jeu numérique où s’échangent chorégraphies éphémères et sketchs potaches.
C’est une usine à clics, polie au scalpel du profit, qui broie les plus fragiles dans l’indifférence assourdie d’un scroll sans fin.
L’algorithme « Pour toi » – quelle ironie, ce « pour toi » – ne cherche pas à offrir le meilleur, mais à capturer l’attention, quitte à y noyer l’adolescent.
Une étude de l’UNICEF publiée en 2024 le confirme : en moins d’une heure, un jeune qui s’aventure sur des hashtags liés à la dépression ou à l’automutilation se retrouve submergé par un déluge de vidéos glorifiant la souffrance, transformant la vulnérabilité en tendance et le désespoir en contenu viral.
Les familles pleurent, les psychologues alertent, les ONG s’indignent, et la plateforme encaisse. À la douleur des proches répond la froideur des bilans trimestriels.
Il aura fallu le drame de Marie, quinze ans, et celui de tant d’autres, pour que l’opinion découvre ce que les parents impuissants savent depuis longtemps :
TikTok ne se contente pas de refléter le mal-être adolescent, il l’alimente, le met en scène, et le grave dans le marbre du numérique.
Pendant ce temps, les outils de « protection » proposés par la plateforme — limites de temps d’écran, messages d’avertissement – ressemblent à des pansements sur une hémorragie.
L’algorithme, lui, ne tend pas la main : il affine sa connaissance des failles, et sert toujours plus de vidéos qui transforment l’angoisse en spectacle.
Face à cette mécanique, les autorités françaises et européennes tergiversent.
Pourtant, des pistes existent : le Digital Services Act, entré en vigueur en 2024, impose désormais aux plateformes une transparence accrue sur leurs algorithmes et une responsabilité renforcée face aux contenus dangereux.
Mais son application reste lente, et les géants du numérique excellent dans l’art de contourner les règles.
Pendant ce temps, des associations comme e-Enfance ou les équipes du 3018 (numéro vert contre le cyberharcèlement) tentent de colmater les brèches, une alerte à la fois.
On peut saluer la créativité foisonnante de TikTok, ses défis artistiques, ses communautés solidaires. Mais aucune innovation ne justifie que des vies se brisent au rythme des suggestions algorithmiques.
Ces plateformes doivent arrêter de verser des larmes de crocodile, et passer aux actes :
- des audits indépendants, 
- des algorithmes conçus pour protéger et non pour exploiter, 
- et une collaboration réelle avec les acteurs de la santé mentale. 
Laisser faire, c’est choisir d’être complice.
Complice d’un système qui transforme la détresse en données, et le désespoir en profits.
La génération TikTok mérite mieux qu’un miroir déformant de ses pires angoisses. Elle mérite qu’on lui tende enfin la main – et non qu’on lui propose une nouvelle vidéo.


