Suicide d’un conducteur de TGV : quand l’indécence médiatique dépasse l’humain
Quand le buzz écrase l’humain : le suicide de Bruno Rejony, conducteur de TGV et figure syndicale, réduit à un simple désagrément.
Le réveillon de Noël 2024 a été marqué par une tragédie qui a profondément touché le monde cheminot et au-delà. Bruno Rejony, conducteur de TGV, s’est donné la mort en sautant de son train en marche en Seine-et-Marne, alors qu’il était d’astreinte en ce soir de fête.
Cet homme de 52 ans, figure syndicale connue et respectée dans la Loire, laisse derrière lui une famille endeuillée et des collègues sous le choc.
Pourtant, les premières réactions médiatiques et publiques se sont focalisées sur les retards et les frustrations des passagers, reléguant au second plan l’humanité d’un drame poignant.
Un homme engagé et une figure locale
Bruno Rejony n’était pas un inconnu dans son département de la Loire. Habitant de Feurs, il travaillait pour la SNCF depuis 1997 et avait été secrétaire du syndicat CGT des cheminots de la Loire. Il était une figure active lors des grandes mobilisations sociales, notamment celles contre la réforme des retraites en 2023, comme l’a rapporté France 3. Ses collègues et camarades le décrivent comme un homme d’une intégrité et d’une intelligence rare, dévoué à la défense des droits des cheminots.
Mais derrière cet engagement public se cachaient des douleurs personnelles. Sur son compte Facebook, Bruno avait récemment partagé des messages évoquant un profond mal-être. Dans un post daté du 13 décembre, il avait parlé de l’absence avec un cœur brisé, laissant entrevoir ses souffrances. Il avait également évoqué, quelques jours auparavant, la difficulté d’être père d’un enfant autiste et le sentiment d’impuissance qui l’accablait.
Ces messages, lourds de sens, témoignent de la détresse d’un homme qui, malgré son combat pour les autres, se sentait isolé face à ses propres épreuves.
Une réaction médiatique déshumanisante
Alors que le train s’arrêtait brutalement en Seine-et-Marne, une expression froide et bureaucratique est rapidement apparue : “accident de personne”. Cet euphémisme, régulièrement utilisé pour désigner des suicides dans le secteur ferroviaire, a été suivi par une avalanche de réactions sur les réseaux sociaux et dans certains médias.
BFM-TV titrait quelques heures après l’incident : “C’est scandaleux un soir de Noël”, mettant en avant la frustration des passagers et leur réveillon raté.
Ces réactions hâtives, souvent dépourvues d’empathie, reflètent un individualisme croissant dans une société où les désagréments personnels priment sur la gravité de la perte humaine.
Pourtant, ce geste désespéré, posé par Bruno sur son lieu de travail, un 24 décembre au soir, n’est pas anodin. Il témoigne d’un cri de détresse et de la solitude souvent vécue par les conducteurs, seuls dans leur cabine des heures durant.
Une onde de choc dans le monde cheminot
La SNCF a qualifié ce drame de “terrible” et “inédit” dans l’histoire ferroviaire française. Une cellule psychologique a été mise en place pour soutenir les agents bouleversés par cette perte brutale, tandis que des enquêtes interne et judiciaire ont été ouvertes.
Les syndicats, notamment la CGT-Cheminots, ont exprimé leur profonde tristesse et dénoncé les attaques récurrentes contre la corporation cheminote, souvent pointée du doigt pour des raisons purement logistiques ou économiques.
“En ce jour de Noël, c’est avec une immense tristesse que nous apprenons le décès de notre ami et camarade Bruno Rejony “, a écrit la CGT Trains Lyon sur Facebook. Le syndicat a également rappelé que “partir seul sur son lieu de travail, un 24 décembre, n’est jamais anodin”.
Un ancien cheminot interrogé par Le Parisien a souligné la symbolique forte de ce drame :
“Quand on fait ça sur son lieu de travail, sur son train, ce n’est pas anodin.”
Ce suicide met en lumière la solitude et la pression qui accompagnent ce métier essentiel, mais souvent invisibilisé. Bruno Rejony ne sera pas oublié par ses collègues, qui se souviennent de lui comme d’un camarade exemplaire et profondément humain.
Une tragédie sociale passée sous silence
Cette tragédie s’inscrit dans un contexte plus large, celui des conditions de travail des cheminots et des suicides au travail en France. Selon Matthieu Lépine, historien, 285 morts au travail ont été recensés en 2024, un chiffre alarmant mais souvent passé sous silence.
Bruno Rejony, en tant que figure syndicale, était conscient de ces réalités. Sa mort est un rappel brutal de l’importance de considérer l’impact psychologique des métiers à haute responsabilité, particulièrement ceux où la solitude est omniprésente.
Une société à l’épreuve de l’individualisme
Au-delà de l’événement lui-même, la réaction publique et médiatique soulève une question cruciale : où est passée notre solidarité ? La mort de Bruno aurait dû nous rappeler que, même dans un monde rapide et centré sur l’efficacité, la vie humaine et le bien-être doivent rester prioritaires.
Les frustrations des passagers, bien que compréhensibles, auraient dû être relativisées face à la perte d’une vie et à la douleur d’une famille.
Pour Bruno Rejony, il n’y aura plus de réveillons. Pour les passagers retardés, il y en aura d’autres.
Cet écart entre indignation superficielle et réalité humaine démontre à quel point la fraternité disparaît dans une société de plus en plus centrée sur elle-même.
Retrouver l’essence de l’humain
Le suicide de Bruno Rejony aurait pu, et aurait dû, être un moment de réflexion collective. Comment mieux accompagner les cheminots face aux pressions psychologiques et à la solitude ? Comment les médias peuvent-ils traiter ces événements avec plus de dignité et de profondeur ?
En ce Noël 2024, une vie s’est éteinte, et une famille cheminote est en deuil. Espérons que cette tragédie serve de rappel : replacer l’humain, la solidarité, et le respect au cœur de nos priorités, qu’elles soient médiatiques, institutionnelles ou personnelles.
Derrière les sourires , les apparences , il se cache souvent des situations dramatique .
et si les conducteurs de trains avaient un collègue accompagnateur, mais le virtuel a remplacer les hommes ...
alors tous ces gens égoistes, leur petit confort, qui leurs fait penser qu'à eux ,et si la terre c'était ouverte sous leur pieds ?
mes condoléances a la famille de cet homme désespérer.....