Sous les talibans : l’enfer des Afghanes, l’oubli du monde
L'indifférence internationale face à la répression brutale des femmes afghanes illustre l'échec moral et politique des démocraties.
(Photo : les visages des femmes effacées des vitrines des magasins à Kaboul / Capture écran EuroNews)
En 2021, les images des troupes américaines quittant l’Afghanistan ont symbolisé la fin d’un engagement militaire de deux décennies, mais aussi, sans qu’on ne le dise à voix haute, le début d’un abandon. À cette époque, beaucoup d’experts et de diplomates, avec un optimisme presque naïf, nous assuraient que les talibans avaient changé. Que leur retour au pouvoir, s’il devait se produire, ne serait pas synonyme d’un retour au régime de terreur des années 1990.
En 2024, le constat est sans appel : non seulement les talibans n’ont pas changé, mais ils appliquent avec une violence froide et implacable leur idéologie régressive et brutale. Le droit des femmes, notamment, a été anéanti dans une indifférence internationale insoutenable.
Le scénario optimiste, celui dans lequel les talibans auraient “évolué”, était une illusion, un mirage vendu par des stratèges politiques plus préoccupés par la gestion de leur propre échec que par la réalité afghane.
Souvenons-nous, à l’époque, on nous disait que la cohabitation entre le gouvernement légitime et les talibans était possible.
Aujourd'hui, les faits sont là : les talibans se sont emparés sans partage du pouvoir, réinstaurant leur charia sans aucune concession.
Ce qui se passe en Afghanistan n’est pas une simple affaire de politique étrangère mal gérée. C’est un drame humain, une régression historique, et surtout une trahison.
Une trahison envers les femmes afghanes, dont la vie est devenue un enfer quotidien, sous le joug de lois qui les effacent de la société. Elles sont aujourd'hui privées de toute liberté : interdites de scolarisation, de travail, de parole dans l’espace public, forcées de porter le tchadri, et emprisonnées dans leur propre pays sous la surveillance d’une police religieuse impitoyable. Chaque jour, des femmes sont arrêtées, battues, emprisonnées, parfois exécutées.
Et que fait la communauté internationale ?
Elle regarde ailleurs. Elle est absorbée par d’autres crises, plus proches, plus médiatisées, plus politiquement “rentables”. La vie des femmes afghanes semble ne plus peser sur l’échiquier mondial. Cette passivité de la communauté internationale est une condamnation silencieuse. Elle assiste, immobile, à cette régression, comme si l’Afghanistan était un chapitre clos. Un pays perdu au-delà de l’actualité, au-delà de nos préoccupations, abandonné à son sort.
Où sont les mouvements féministes des grandes démocraties, ceux qui s’élèvent, avec raison, contre les injustices dans nos sociétés ?
Où sont les organisations de défense des droits humains, les collectifs qui plaident pour la dignité des femmes, lorsqu'il s'agit de l'Afghanistan ?
Ce silence est assourdissant.
Sommes-nous face à une émotion sélective, où l'indignation ne s'applique qu'à des causes jugées plus “proches”, plus “intéressantes” pour les agendas médiatiques et politiques ?
Cette indifférence généralisée, cette inaction, cette absence de mobilisation mondiale sont une honte collective.
L’Afghanistan est devenu un test pour notre humanité : sommes-nous capables de réagir face à l’injustice lorsque les caméras ne sont plus braquées ? Hélas, l’histoire montre que ce n’est souvent pas le cas.
Le sort des femmes afghanes devrait nous révolter. Elles ne peuvent pas être les grandes oubliées de notre époque, sacrifiées sur l’autel de l’indifférence.
Changer les choses en Afghanistan dans les mois à venir semble improbable, tant les talibans ont verrouillé le pays et que la communauté internationale reste paralysée.
Mais pouvons-nous vraiment accepter cette fatalité ?
L’oubli est un choix, l’inaction une décision. Nous avons abandonné les Afghanes à leur malheur, et ce silence pourrait bien être l’un des plus grands échecs humains de notre époque.