Se souvenir de la guerre d’Algérie : un héritage entre deux rives
La Toussaint Rouge : le début d'une lutte pour la liberté du peuple algérien.
À l’occasion du 70e anniversaire du déclenchement de la Guerre d’Algérie, j’ai décidé de publier ce mois-ci une série d’articles pour relater les événements, les enjeux et les sacrifices qui ont marqué ces huit ans de lutte pour l’indépendance algérienne.
Pour moi, ce projet est bien plus qu’un simple devoir de mémoire : c’est aussi un retour personnel sur mon enfance, forgée dans l’atmosphère tumultueuse de la guerre, dans l'Ouarsenis, au cœur même de l’Algérie.
C’est avec cette perspective, à la fois intime et historique, que je vous invite à parcourir ces pages et à revisiter les événements qui ont bouleversé la société algérienne et les relations franco-algériennes.
Le 1er novembre 1954, date connue sous le nom de Toussaint Rouge, marque un tournant décisif : les premières actions organisées du Front de libération nationale (FLN) retentissent dans la nuit, ébranlant l’Algérie coloniale. Ce soulèvement sera le point de départ d’une guerre d’indépendance de huit années, où la détermination des Algériens se heurte de front à la puissance coloniale française, et où les douleurs et les espoirs se mêlent dans la poussière des villages et des montagnes, comme celles de l’Ouarsenis où j’ai grandi.
Huit années de combat pour l’indépendance
La colonisation française de l’Algérie, débutée en 1830, a été marquée par des décennies d’oppression et de violences, mais aussi par une résistance profonde, incarnée dans chaque communauté, chaque famille algérienne. Pendant ces années, la population indigène a enduré des expropriations massives, des déplacements forcés, et un système discriminatoire sévère qui limitait les droits des Algériens dans leur propre pays.
Le Code de l’indigénat, instauré pour justifier ces injustices, incarnait une politique de contrôle étouffante et discriminatoire, qui alimentait chez les Algériens un profond désir de liberté et de dignité.
La montée de la résistance, déjà vive avant même les premières frappes de 1954, a été marquée par des événements tragiques, comme le massacre de Sétif en mai 1945, où une répression brutale a causé la mort de milliers de civils.
Ces drames ont renforcé la volonté des Algériens de mettre fin à la domination coloniale.
En 1954, le FLN, conscient de l’urgence et de la volonté collective d’indépendance, coordonne une série d’attentats à travers l’Algérie pour symboliser le rejet total de la colonisation. Le soulèvement est désormais irréversible, porté par un peuple décidé à briser les chaînes de l’injustice coloniale.
Une mémoire personnelle, un récit historique
Pour moi, cette guerre n’est pas seulement une période d’histoire à raconter ; elle a façonné mon enfance et m’a accompagné bien au-delà de l’indépendance, dans une Algérie marquée par le souvenir des sacrifices. Je me souviens des nuits où l’écho lointain des fusillades parvenait jusqu’aux montagnes du Djebel Amour, où les peurs et les rêves des familles vibraient dans l’obscurité.
Ces souvenirs, intenses et marqués par les bruits, les odeurs et les visages de cette époque, sont aujourd’hui au cœur de mon récit autobiographique Sirocco et Pastèque, un livre que je m’apprête à publier d’ici la fin de l’année, si les vents, comme je l’espère, sont favorables.
Dans cet ouvrage, je tente de retracer non seulement les faits, mais aussi les émotions et les paysages intérieurs d’une Algérie en quête de liberté, d’une jeunesse confrontée trop tôt aux ombres de la guerre. C’est une invitation à voyager dans ce passé, à ressentir la chaleur du sirocco et à goûter les instants d’innocence volée, malgré le fracas de l’Histoire.
70 ans après : l'importance du devoir de mémoire
Se replonger dans cette période aujourd’hui est un acte de mémoire essentiel, non seulement pour honorer ceux qui ont combattu et ceux qui ont souffert, mais aussi pour comprendre les relations complexes et parfois tendues qui subsistent entre la France et l’Algérie.
En effet, les marques de cette histoire commune, d’abord tissée par la violence et l’exploitation, se manifestent encore dans les dialogues entre les deux nations. La mémoire de la Guerre d’Algérie reste vivace, et chaque commémoration rappelle les enjeux de réconciliation, de reconnaissance et de transmission aux générations futures.
Je vous invite à suivre ces publications au cours de ce mois de Novembre, pour que cette mémoire vive continue de nourrir notre regard sur le passé et notre avenir partagé.
Les décennies passent, mais rien n’est passé. Cette mémoire mêlée, tourmentée, continue de consumer les pensées, génération après génération, depuis la fin de la guerre d’Algérie, en 1962. (Mustapha Kessous / Le Monde)