Santé mentale : Psycyclette, une semaine pour changer de regard
En 2025, la santé mentale est grande cause nationale. Mais sur le terrain, ce sont aussi des citoyens engagés qui font bouger les lignes.
Mon amie Hélène Haffner a participé à la Psycyclette, une aventure collective à vélo pour parler autrement de santé mentale. A travers cette interview, elle nous raconte ce qu’elle a vécu sur la route, entre rencontres, émotions et engagement.
Hélène, tu peux nous rappeler en quelques mots ce qu’est la Psycyclette et pourquoi cette aventure a vu le jour ?
La Psycyclette est une initiative portée par l’Unafam (Union des familles et amis de personnes souffrant de troubles psychiques, association de proches de malades crée en 1963) , qui a été labellisée dans le cadre de la grande cause nationale 2025 "Parlons santé mentale" par le gouvernement.
La Psycyclette s’inscrit dans la lutte contre la stigmatisation des maladies mentales
C’était cette année la 11e édition, la première avait eu lieu en 2014 à la suite d’un appel à projet d’un collectif d’associations dont l’Unafam faisait partie, ce collectif militait déjà pour que la santé mentale soit grande cause nationale en 2014.
Si le gouvernement de l’époque n’a pas donné suite à l’idée, l’Unafam, elle, a soutenu le projet “Psycyclette”, porté par Michel Lacan, alors délégué régional de l’association en Occitanie et cyclotouriste aguerri.
Son projet avait immédiatement reçu le soutien de la direction de l’hôpital Marchant à Toulouse , et cela perdure plus de 10 ans après.
L’idée est de réunir des patients, des soignants, des proches et des personnes n’ayant rien à voir avec la psychiatrie et de faire une randonnée cyclotouriste sur une semaine, de pédaler et de rencontrer les délégations Unafam, les CMP (centre médico psychologiques, les hôpitaux, les mairies, les GEM (groupe d’entraide mutuelle).
Le groupe comprend une cinquantaine de personnes, dont une majeure partie de patients de plusieurs hôpitaux ou de personnes rétablies.
Tu as participé à la 11ᵉ édition de la Psycyclette. Concrètement, comment s’organise cette aventure ? Combien d’étapes, quelle distance, quelle ambiance ?
La préparation d’un parcours Psycyclette dure plusieurs mois et nécessite beaucoup d’énergie de la part de plusieurs bénévoles pour choisir les étapes, trouver des hébergements en auberge de jeunesse, tracer le parcours cycliste, contacter les mairies et les délégations Unafam pour les lieux de pause. Les hôpitaux délèguent les soignants en charge des activités sportives et leur allouent les moyens nécessaires pour amener 9 patients, 3 infirmiers, un minibus avec remorque et autant de vélos. Le financement provient de l’Unafam, les participants payent 4€ par jour, car tous doivent pouvoir s’inscrire.
Cette année le parcours auquel j’ai participé partait de Morlaix et a rejoint Levallois-Perret ou se trouve le siège de l’Unafam en 8 étapes, soit 700km au total. Nous avons fait étape à Perros Guirec, Saint Brieuc, Saint Malo, Pont-Main, Alençon, les Menus et Trappes .
Les cyclistes sont assistés par une petite équipe logistique qui les suit et les précède à chaque arrêt. Historiquement cette équipe était appelée "dames bons coins" car les lieux de pause sont choisis avec soin, mais des messieurs participent aussi a la logistique…
A Levallois-Perret, le 28 juin, les 3 groupes de Psycyclistes se sont rejoints pour célébrer l’arrivée avec la mairie et la présidente de l’Unafam.
Une semaine à vélo, ce n’est pas rien ! Comment tu as vécu cette expérience au quotidien ? Qu’est-ce qui t’a le plus marquée, physiquement ou humainement ?
Pour ma part, je n’ai pas pédalé, j’étais dans l’équipe logistique, et c’est tout aussi intense même si ça fait moins mal aux jambes.
Au départ à Morlaix, toutes les personnes du groupe ne se connaissent pas, et font connaissance au fur et à mesure des pauses, des parcours, des repas, des réparations. Le quotidien est rythmé par les départs, les dénivelés, les pauses, les kilomètres avalés…
Chaque jour des anecdotes, de petits évènements soudent le groupe. Il faut bien noter que si tous les cyclistes se sont entrainés, très peu ont déjà fait 100km sur une journée, et encore moins durant 8 jours, heureusement des montées dans le minibus sont toujours possibles en cas de besoin de récupération.
En observant les personnes chaque jour, on voit les visages s’ouvrir, le plaisir et la confiance en soi s’installer.
Les étapes de la Psycyclette donnent lieu à de belles rencontres. À quoi ressemblent ces échanges avec les habitants et les structures locales ?
En effet, chaque fois qu’un accueil est organisé, ce sont des rencontres riches et joyeuses. Nous sommes souvent attendus avec un goûter et des rafraîchissements, notre objectif est expliqué, les échanges autour d’un biscuit ou d’un quartier d’orange se font spontanément.
Au fur et a mesure des étapes, les patients qui ont pris confiance en eux n’hésitent pas à prendre la parole et à témoigner. Nous avons pu entendre des paroles très émouvantes sur leurs difficultés et beaucoup d’espoir lié à la prise de confiance gagnée au travers de cette expédition.
"Quand on se met à gravir des obstacles, on en bave, mais après on regarde notre parcours avec fierté. L’effort, c’est du réconfort, pour l’esprit et le corps. Psycyclette change l’image que l’on a de nous-même, on fait de nos faiblesses des forces" (Matteo , 18 ans)
Pour ma part, ce qui me marque le plus dans cette aventure, c’est le regard collectif qui change complètement d’angle, à l’arrivée, on ne peut plus savoir qui est patient, proche ou ami, tous sont des cyclistes qui ont réussi à finir le parcours.
C’était ta première Psycyclette ou tu avais déjà participé ? Qu’est-ce qui t’a donné envie de te lancer ?
Un personne de ma famille est concernée par la maladie psychique, quand c’était très compliqué pour nous tous, l’Unafam nous a apporté beaucoup de soutien et d’aide. La situation s’est stabilisée, j’ai désormais du temps libre, je suis devenue bénévole à l’Unafam depuis 2 ans. M’engager dans l’aventure Psycyclette m’a tout de suite séduite, c’est d’une richesse immense.
Cette année était ma 2e participation à la logistique, avec Daniel, mon époux cycliste et "docteur vélo" comme l’ont surnommé les autres participants.
La Psycyclette ce n’est pas du bénévolat, c’est du bonheur en intraveineuse !
Cette année, la santé mentale est déclarée grande cause nationale. Mais sur le terrain, les besoins restent énormes. Tu as le sentiment que les choses avancent vraiment ?
S’Il est encourageant que le gouvernement ait mis le focus sur le secteur de la santé mentale et en a fait une grande cause nationale pour 2025 , cela ne peut en aucun cas être un fin en soi. La psychiatrie est l’un des secteurs de la santé parmi les plus démunis, et les problèmes s’y accumulent en raison d’un manque criant de moyens, alors que les besoins augmentent. Nous constatons chaque jour dans nos contacts avec les familles et les soignants les difficultés immenses rencontrées par les usagers, le manque de lits d’hospitalisation, la pénurie de médicaments essentiels, les délais de rendez-vous très longs et surtout la difficulté a recruter des professionnels, et à les former .
Communiqué national de l’Unafam lors de la présentation de la grande cause nationale :
"L’UNAFAM restera vigilante quant à la mise en œuvre effective de ces engagements. Trop souvent, les moyens annoncés ne se traduisent pas par une amélioration concrète pour les usagers et leurs familles.
Reconnue pour son expertise et sa connaissance du terrain, L’Unafam est largement sollicitée par le Parlement, le gouvernement et les médias. C’est l’occasion pour elle de déstigmatiser la maladie mentale, de valoriser son action, et de promouvoir les droits des personnes et de leurs familles à des soins et à un accompagnement de qualité.
Nous appelons les citoyens, les professionnels et les décideurs à rester mobilisés pour faire de 2025 une année de progrès réel et durable pour la santé mentale en France. Nous serons attentifs à ce que cette Grande Cause Nationale ne reste pas qu’un affichage, mais se traduise par des améliorations concrètes et pérennes."
(Photos © Hélène Haffner)
Une magnifique aventure !
Merci pour cet article riche et complet qui informe bien sûr le rôle de l’Unafam, association indispensable pour le soutien des proches, et bravo à tous les bénévoles !