Quand Netflix nous chauffe et que les avions nous font rêver
Feux de cheminée virtuels et atterrissages filmés : le réconfort à l’ère numérique.
Chaque année, certains s’installent confortablement devant un feu de cheminée sur… Netflix. Oui, vous avez bien lu. Pas un vrai feu, avec des crépitements, une odeur de bois brûlé et des flammes dansantes. Non, un feu en streaming.
Une “yule log” comme disent nos amis anglophones, ces génies qui ont inventé le concept dans les années 60 pour réchauffer les cœurs des nostalgiques de la cheminée.
Et pour eux, pauvres mortels, ça marche. Ils regardent cette imitation en 4K comme on boirait du café instantané : sans plaisir, mais avec une étrange sensation de réconfort.
C’est une chaleur artificielle, un placebo pour l’âme.
Et le pire ?
Ils sont des millions d'adeptes du kitsch qui se connectent chaque année pour mater une bûche virtuelle.
Est-ce que nous sommes en train de devenir fous ?
Peut-être. Ou peut-être que nous cherchons désespérément un peu de chaleur humaine… dans le catalogue de Netflix.
Mais voilà que nos voisins d’outre-Manche nous surpassent encore dans l’art du décalage existentiel.
À Londres, ils ne se contentent pas de feux de cheminée virtuels. Non, ils passent des heures devant des vidéos live de… décollages et atterrissages d’avions !
Oui, vous avez bien lu : des avions.
Le phénomène s’appelle le plane-spotting. Et si vous pensez que c’est juste un truc de geeks, détrompez-vous. Au cours du week-end dernier, plus de 300 000 personnes ont regardé l'atterrissage mouvementé d’un Boeing de British Airways à Heathrow.
Jerry Dyer, le commentateur vedette de la chaîne YouTube Big Jet TV, est devenu une star en transformant un simple atterrissage en finale de la Coupe du Monde.
Avec ses cris enthousiastes et son amour sincère pour l’aviation, il a su captiver une foule qui, disons-le, avait sûrement d’autres choses à faire.
Mais pourquoi ce succès ?
Peut-être parce que dans ce monde hyperconnecté et saturé d’informations, on trouve du réconfort dans ces moments simples. Un feu qui ne brûle rien. Un avion qui atterrit. Des illusions qui nous donnent l’impression d’être vivants.
Alors oui, on peut en rire. Mais quelque part, on y voit aussi le reflet d’une société un peu perdue, non ? Une société qui, entre deux crises existentielles, s’accroche à des feux de cheminée factices et à des avions en vol pour se sentir un peu moins seule.
Et vous, vous matez quoi ce soir ? Une série ? Un feu de cheminée ? Ou le prochain décollage de Jerry Dyer ?
Moi, j’hésite. Après tout, il paraît qu’il va commenter un A380 demain… et franchement, ça, ça vaut bien toutes les bûches du monde.
Pour les feux de cheminées le spectacle du feu ne se réduit pas nécessairement au kitsch. Certes zéro interaction en terme de transferts de chaleur ni de sensations physiques, mais l’effet psychologique du spectacle du feu qui danse et de celui du spectre lumineux sur les pupilles sont probablement à prendre en compte.
Rien ne remplacera l’expérience d’un bon feu de cheminée naturellement, encore faut il en en avoir une.
Et je me demande même si allumer un feu de cheminée en allumant la télé n’est pas au fond un acte de résistance post moderne :
Je suis dans mon époque mais je recrée le lien avec ma nature humaine qui a besoin de chaleur et de lumière incarnées.
Et entre nous, le spectacle d’un feu qui danse reste toujours plus interessant pour réfléchir que BFM ou consœurs.
:-)