Portugal : la Révolution des Oeillets a 50 ans, je me souviens
À Porto, ce mercredi 24 avril 1974 au soir, nous prenions l'apéritif entre amis, plongés dans l'atmosphère pesante d'une dictature. Le lendemain, nous dansions, libres, dans un pays transformé...
Il y a cinquante ans, le 25 avril 1974, je me trouvais par une coïncidence étonnante au Portugal, à Porto, chez un couple que j'avais rencontré l'année précédente lors d’un voyage estival dans les Cévennes. Cette rencontre fortuite et nos échanges spontanés semblaient avoir tissé la trame invisible de notre destinée. Nous étions alors jeunes, insouciants, à peine âgés d’un peu plus de vingt ans, et nous rêvions, comme tant d'autres, de façonner le monde à notre image, de le réinventer à l’image de nos idéaux. Pourtant, l'ombre de l'oppression pesait lourdement sur nos épaules, car l'Espagne était toujours sous le joug du franquisme, le Portugal étouffait sous le poids d'une dictature implacable, la guerre au Vietnam s’éternisait…
Porté par l'invitation de mes nouveaux amis portugais, fraîchement diplômés en architecture dans le sud de la France, je pris la route à bord de ma fidèle 4L, en direction de Porto, mi-avril 1974.
C'est ainsi que, par le plus grand des hasards, je me retrouvai à rencontrer l'Histoire en marche, au détour des rues pavées de cette ville au bord du Douro…
Qui aurait pu prédire que ce jour-là, j'applaudirais des militaires, ces jeunes capitaines audacieux qui osèrent défier cette dictature enracinée dans le temps ? Ils défilaient, fièrement campés sur leurs camions, leurs chars, des œillets en guise de trophées, au milieu d'une foule exaltée. À une époque où les soulèvements militaires à travers le monde semblaient destinés à engendrer des régimes autoritaires sanguinaires, cette révolution portugaise émergeait comme un phare d'espoir dans un océan de désenchantement.
Je me souviens de ces jours fiévreux où l'air vibrait d'une énergie nouvelle, où les rues résonnaient des chants de la liberté retrouvée. Nous étions envoûtés par le flux incessant des informations que nous écoutions à la radio, descendant dans les rues pour célébrer, danser, crier notre bonheur. L'espoir avait éclos dans nos cœurs, le doux parfum de la liberté flottait dans l'air, et l'oppression de la dictature s'éloignait !
Cinquante années se sont écoulées depuis ce tournant décisif de l'Histoire, et pourtant, le souvenir de cette révolution des œillets demeure en moi aussi vibrant que jamais.
Quand j’écoute la chanson “Grândola, Vila Morena”, jadis censurée par le régime et devenue l'hymne improvisé de cette aube nouvelle, l'émotion m'étreint encore, submergeant mes yeux de larmes… de bonheur.
Ce 25 avril 1974, je me suis retrouvé au milieu de ce peuple fier, goûtant avec lui aux délices de la liberté reconquise, où l’espoir et le renouveau devenaient enfin possibles.