Municipales 2026 : mes questions à Cédric Rouffiac, possible candidat à Luchon
Les prochaines élections municipales auront lieu dans moins de deux ans. Le temps nécessaire pour affiner programmes et listes...
Même si les Luchonnaises et les Luchonnais se sont rendus aux urnes municipales à deux reprises depuis l’élection d’Eric Azémar au premier tour en mars 2020, suivie de sa démission et de sa réélection également au premier tour, les prochaines élections municipales de 2026 sont déjà dans le viseur de candidats potentiels. Parmi eux, Cédric Rouffiac qui répond à mes questions.
Paul Tian : Dès l'annonce de la privatisation de l'EHPAD "Era Caso", vous avez réagi en lançant une pétition pour maintenir la maison de retraite dans le giron de la ville de Luchon. Qu'est-ce qui a motivé votre mobilisation ?
Cédric Rouffiac : En effet, j’ai lancé une pétition, car j’ai du mal à concevoir que des domaines tels que la santé ou l’éducation puissent être privatisés, car ce sont des droits élémentaires et les pensionnaires ne sont pas des marchandises. Comme je l’ai justifié dans ma pétition, on peut constater que les prix des séjours sont en moyenne de 2.200 euros par mois dans une structure publique alors que dans une structure privée les tarifs démarrent à 2.650 euros pour atteindre des sommets, jusqu’à 6.000 euros ! Je vous laisse imaginer ce que cela donne quand on fait le parallèle avec les montants moyens des pensions de retraite… et quand la retraite ne suffit pas à financer le séjour, soit la famille se cotise, soit les biens immobiliers du pensionnaire servent à le financer. Dans une structure privée, il y a une rentabilité à assurer, elle n’est pas toujours compatible avec les soins pour maintenir la santé de nos anciens qui ont travaillé toute leur vie. Il faut notamment savoir que dans certaines structures privées, les fournitures hygiéniques sont comptées et limitées. Des emplois sont d’ores et déjà menacés, un agent d’entretien a récemment été remercié…. Ce n’est que le début dans la course à la rentabilité.
Je laisse le soin à vos lecteurs de se renseigner sur les établissements privés, ils ne présentent aucun avantage par rapport au public, les cas de maltraitance y existent que ce soit envers les pensionnaires ou les salariés.
Edenis est présentée comme une association à but non lucratif. Cette structure existe depuis environ 40 ans, elle dégage des marges opérationnelles conséquentes, mais contrairement à une entreprise traditionnelle, elle ne verse pas de dividendes à des actionnaires. La nuance vient du fait que les bénéfices servent à racheter d’autres structures, ce qui a permis à Edenis de se développer. En complément, rien n’empêche à l’association de verser des salaires très confortables à ses dirigeants.
Ses dirigeants et fondateurs sont des investisseurs dont l’un d’eux dirige une entreprise de location de biens immobiliers.
Concernant le volet administratif, l’ARS (Agence Régionale de Santé) et le Président du département ont fait savoir, il y a plusieurs mois, que suite aux manquements de la municipalité, ils s’opposaient à ce que l’établissement demeure géré par la ville, sous peine de faire procéder à sa fermeture. Comme l’a dit notamment Didier Lepage lors du conseil municipal du 15 Juillet dernier, la situation s’est depuis stabilisée et l’établissement fonctionne de manière quasi normale avec la direction provisoire.
Je me permets de rappeler que la pétition a totalisé plus de 500 signatures.
Un maintien en gestion publique était donc possible, moyennant, je l’accorde un travail important, à commencer par la structuration du CCAS, qui est en carence de personnel, des travaux de rénovation et mise aux normes de l’EHPAD, pour lesquels une subvention de 800.000 euros avait été demandée et accordée.
Rien n’a abouti par défaut de finalisation du dossier.
Cette somme aurait pourtant permis de financer une grande partie des travaux, d’améliorer les conditions de travail, et de permettre qu’une équipe de direction stable puisse diriger l’établissement. Les différents manquements des dernières années échues ont eu de lourdes conséquences sur la situation actuelle.
Paul Tian : Le groupe qui souhaite reprendre "Era Caso" veut acquérir les biens immobiliers appartenant à la ville de Luchon. Quel est votre avis sur ce sujet ?
Cédric Rouffiac : J’estime qu’il s’agirait d’une erreur pour les raisons suivantes : un énième bien appartenant à notre ville est vendu, et dans le cas “Era Caso”, on peut douter qu’il permette de faire rentrer de l’argent dans les caisses de la municipalité compte tenu des emprunts en cours qui seront à peine soldés.
Vendre “les bijoux de famille” comme je le dis avec une pointe d’ironie, pour rentrer des sommes d’argent de manière ponctuelle sans pour autant s’attaquer au problème de fond n’est pas une solution pérenne.
Une ville est une entreprise ; imaginez qu’une usine vende par période une partie de son outillage pour résoudre ses problèmes de trésorerie car elle dépense plus qu’elle ne rentre d’argent, qu’advient-il lorsque tout l’outillage de production est vendu ? Elle ne produit plus, ne vend plus, et met la clé sous la porte !
A titre informatif, le budget de fonctionnement annuel de Luchon est de 12 millions d’euros, la masse salariale totalise 3 millions d’euros, ce qui représente une charge non négligeable. Je ne vous apprends rien en disant qu’un budget doit être à l’équilibre.
Si l’on continue sur la lancée actuelle, notre budget ne sera financé qu’en grande partie par les recettes fiscales (taxe d’habitation, impôts fonciers) et ces derniers finiront à terme par augmenter de manière exponentielle alors qu’ils sont déjà très élevés, cela sera préjudiciable pour tous et l’est déjà !
C’est la raison pour laquelle, conserver les biens, les optimiser, les exploiter est une solution en vue de générer des emplois et des revenus pour la ville.
Paul Tian : Vous êtes un fervent défenseur du service public, pourtant, on constate une déliquescence de ce service sur le territoire du Haut-Comminges, ou bien, comme pour les Thermes, c'est un groupe privé qui reprend l'établissement. Pensez-vous qu'une ville peut être la seule gestionnaire de telles structures, comme la blanchisserie, par exemple.
Parlons justement de la blanchisserie des Thermes. Elle est à l’abandon car des travaux de désamiantage et de rénovation sont à effectuer. Je tiens à rappeler que notre ville totalise 900 logements de type Airbnb, au moins 3 services de conciergerie, sans parler des nombreux hôtels ; ce sont autant de tonnes potentielles de linge à laver. A l’heure actuelle, une grande partie de ce service est assurée par une grande société, dont la laverie se trouve à Saint-Gaudens et les liaisons sont assurées par camion, je vous laisse deviner l’empreinte écologique du traitement du linge ! Alors que ce service pourrait être assuré par une blanchisserie municipale.
Notre ville compte des services techniques composés de différents corps de métier.
Les travaux de la blanchisserie, à l’exception du désamiantage pourraient donc être réalisés en interne et cette structure permettrait de générer plusieurs emplois ainsi que des rentrées financières.
Paul Tian : Il en va de même pour la piscine de Luchon. En raison du manque d'investissements au cours des années précédentes, Luchon, un pôle touristique des Pyrénées, ne dispose plus de cette infrastructure. Pensez-vous que la ville doit porter seule le projet d'un centre aquatique ou cela doit-il être envisagé au niveau de l'intercommunalité ?
Cédric Rouffiac : Concernant la piscine, le problème est devenu double.
D’une part, la compétence pour la réalisation et le financement relève de la communauté de communes. La piscine a été détruite en 2020, il ne s’agit plus d’une rénovation, mais désormais d’une création. La Communauté de Communes peut donc décider d’en construire une nouvelle ailleurs qu’à Luchon.
A cela s’est ajouté dernièrement la mise hors service de la piscine de Saint-Béat-Lez, pour les mêmes raisons que celle de Luchon, à savoir une dégradation structurelle du bassin entraînant des fuites importantes d’eau, vous comprendrez donc aisément qu’obtenir une nouvelle piscine à Luchon n’est pas acquis, loin s’en faut. Sauf si nous la finançons nous-mêmes.
J’ai planché sur ce sujet. Il faut savoir en premier lieu qu’une piscine municipale, qui plus est exploitée qu’en été n’est pas rentable pour une commune. Il faut donc opter pour une structure de type bassin nordique afin qu’elle soit exploitable toute l’année, et ceci revêt chez nous un caractère obligatoire dans la mesure où la piscine des Thermes Chambert qui servait de piscine l’hiver n’est plus exploitable pour des raisons structurelles comme les piscines précédemment citées.
Dans mon étude, quatre caractéristiques importantes ressortent donc :
Bassin nordique
Structure des bassins en inox car plus durable et plus hygiénique.
Chauffage de l’eau par géothermie
Traitement de l’eau par les plantes
Et le coût d’une telle réalisation serait de 8,5 millions d’euros.
Les choix techniques sont dictés par des impératifs écologiques et économiques.
Un chauffage de l’eau par géothermie est non polluant et revient beaucoup moins cher à l’exploitation qu’une chaufferie traditionnelle.
Il en va de même du traitement de l’eau par les plantes.
A l’heure actuelle, les Luchonnais et les vacanciers réclament haut et fort une nouvelle piscine et je les rejoins, moi qui suis père de famille.
On peut espérer obtenir quelques subventions surtout si le projet est à faible émissions mais le reste à charge pour Luchon ne sera pas négligeable bien qu’amortissable sur 30 ans.
Encore une fois, cette structure, au même titre qu’une blanchisserie municipale, occuperait plusieurs employés de la ville à plein temps. Ce sera avant tout un enseignement à retenir, les infrastructures réclament beaucoup d’anticipation en matière d’entretien et de budget.
Paul Tian : Lors des dernières élections municipales, vous étiez sur la liste d'union de la gauche menée par Michèle Cau, qui comprenait notamment l'ancien maire de Luchon, Louis Ferré, et Gérard Subercaze. Depuis, un conflit ouvert semble s'être instauré entre eux. Comment analysez-vous cette situation ?
Cédric Rouffiac : Je ne souhaite ni commenter ni prendre parti sur d’éventuelles mésententes. Je pense que chacun d’entre nous doit penser aux intérêts de Luchon et des Luchonnais, faire preuve d’unité et de cohésion.
Paul Tian : Selon certaines indiscrétions, vous seriez prêt à mener une liste aux élections municipales en 2026. Est-ce une simple rumeur ?
Cédric Rouffiac : J’ai créé il y a plusieurs mois un groupe de réflexion et de travail en vue des prochaines élections municipales.
Ce travail part d’un constat : Luchon souffre depuis plusieurs décennies d’un déclin démographique. Je parle d’habitants à l’année. A l’heure actuelle Luchon compte tout juste environ 2.100 habitants, alors qu’elle en a compté le double !
Tout a été misé sur le tourisme et le thermalisme, or, les thermes ont subi une baisse de fréquentation due à la diminution du remboursement des soins thermaux et un manque d’entretien pendant plusieurs décennies a conduit à son exploitation par un groupe privé, entraînant pour notre ville la perte de 80% des revenus liés à l’exploitation des thermes.
Pour que Luchon redécolle économiquement, il faut donc attirer de nouvelles familles, des jeunes actifs. Pour cela il faut créer de l’emploi, de la formation, rendre accessible des logements pour des moyennes et longues durées.
Attirer des jeunes habitants à l’année, continuer à choyer nos aînés et nos vacanciers, tel est notre but.
Nous planchons sur un projet cohérent, chiffré qui permettra de sortir notre ville de sa situation actuelle.
Si unanimement notre groupe, qui se développe et qui est ouvert à ceux qui se reconnaissent dans ce que j’écris et qui sont prêts à donner de leur temps, me demande de conduire la future liste, alors, OUI, je le ferai sans hésiter et conscient de ce que cela implique.
Nous serons prêts à assumer les responsabilités.
Paul Tian : Pouvez-vous vous présenter à mes lectrices et lecteurs ?
Cédric Rouffiac : J’ai 46 ans, 2 enfants, j’exerce le métier d’enseignant en analyse fonctionnelle des structures et dessin technique. J’exerce également et ponctuellement l’activité d’expert en automobile.
Je suis né à Luchon, ville pour laquelle je voue un amour indéfectible et dans laquelle passé une grande partie de ma scolarité et de ma jeunesse.
Je suis issu d’une famille de personnels hospitaliers en majorité, mon grand-père fut directeur des hôpitaux de Luchon.
J’ai exercé d’autres métiers avant d’enseigner, notamment celui de gérer des ateliers et des agences de location de matériel de travaux publics et de machines agricoles.
Au cours de mes diverses expériences professionnelles, j’ai donc été amené à manager des équipes et gérer des parcs de matériels, en somme, de la gestion humaine et financière ; mon but a toujours été de soutenir et de faire évoluer professionnellement mes collaborateurs et ces derniers ont sans exception bénéficié d’évolutions de carrière.
Petite parenthèse sur ma personnalité, je suis plutôt de nature joviale, je dis toujours ce que je pense de manière directe et sans détour.
Je souhaite avant tout retrouver un Luchon dans lequel jeunes et aînés cohabitent en bonne intelligence, un Luchon avec sa vitalité, ses allées et rues pleines de vie.
(Propos recueillis par Paul Tian) (Photo de Une © Jean-Baptiste Higounet)
(Cédric Rouffiac)