Médias et faits-divers : la peur au service de l'extrême droite
La couverture médiatique des faits divers amplifie la perception de l'insécurité, influençant les comportements politiques et la montée du vote extrémiste.
La victoire de l’extrême droite aux élections européennes du 9 juin dernier a provoqué un véritable séisme politique en France, menant à la dissolution de l'Assemblée nationale par le président de la République. Ce bouleversement m'amène à réfléchir sur un sujet tout aussi épineux : le traitement des faits divers dans l'univers médiatique et son impact sur la perception de l'insécurité chez les électeurs, notamment ceux du Rassemblement National (RN).
Pourquoi une grande partie de ces électeurs ressent-elle une insécurité qu'ils ne vivent pourtant pas dans leur quotidien ? Une part de la réponse réside dans la manière dont les faits divers sont traités par les médias nationaux et régionaux. L'instantanéité de l'information partagée par tous, les réseaux sociaux, les chaînes d'information en continu, les “UNE” de la presse quotidienne régionale (PQR) et la quête incessante d'audience conduisent à une surexposition des faits divers.
Inflation médiatique des faits-divers
Les faits divers ont toujours existé. Ce qui a changé, c'est notre accès à l'information et la manière dont elle est diffusée. Par exemple, une vidéo d'agression filmée à Brest peut être vue par des milliers de personnes à Toulouse en quelques secondes. Les chaînes d'information en continu amplifient ce phénomène en donnant une importance disproportionnée à certains faits-divers pour capter l'attention du public. La PQR n’est pas en reste non plus.
Perception de l'insécurité
Cette surexposition crée une perception d'insécurité généralisée. Les électeurs du RN, par exemple, sont souvent motivés par un sentiment de peur et de colère face à ce qu'ils perçoivent comme une montée de l'insécurité. Cette perception n'est pas toujours fondée sur leur propre expérience directe, mais sur ce qu'ils voient et entendent dans les médias. Un citoyen de Luchon, qui n'a jamais été victime de crime, peut néanmoins ressentir une profonde inquiétude après avoir entendu parler d'agressions à Lyon.
Impact émotionnel et politique
Le traitement médiatique des faits divers a des conséquences émotionnelles puissantes. La peur et la colère sont des réactions naturelles face à des récits de violence. Ces émotions influencent les comportements politiques. Un électeur effrayé et en colère est plus susceptible de voter pour des partis extrêmes promettant des mesures de sécurité strictes, même si ces mesures ne sont pas toujours rationnelles à long terme.
Responsabilité des médias
Face à cette situation, il est crucial de repenser la responsabilité des médias dans le traitement des faits divers. Les journalistes doivent être conscients de l'impact de leurs choix éditoriaux. Il ne s'agit pas de censurer l'information, mais de la contextualiser et de la présenter de manière équilibrée. Par exemple, en mettant en avant les statistiques globales de la criminalité pour montrer que, malgré les incidents médiatisés, la plupart des gens ne sont pas directement touchés par la violence.
Vers une réponse équilibrée ?
En tant que citoyens, nous avons également un rôle à jouer. Il est important de développer un esprit critique face aux informations que nous recevons. Plutôt que de réagir impulsivement aux récits de peur, nous devons chercher à comprendre le contexte et les données sous-jacentes. En adoptant une approche plus réfléchie et informée, nous pourrions mieux résister aux manipulations émotionnelles et prendre des décisions politiques basées sur des faits et non sur des perceptions déformées.
Le séisme politique actuel et la possible (probable ?) arrivée au pouvoir de l’extrême droite peut être l’occasion de repenser notre relation avec les médias et le traitement des faits divers.
Ne nous masquons pas la face, les informations que nous consommons influencent notre perception de la réalité. Pourquoi alors ne pas adopter une approche plus critique et équilibrée du sensationnalisme des faits divers afin de répondre aux défis de notre société de manière moins clivante ?