L'univers artistique de Marie Colombié : explorer jusqu'au bout des doigts
Entretien avec l'artiste plasticienne qui est aussi une amie.
Paul Tian : Ton "marathon" d'expositions commence ce week-end à Montréjeau ? Pourquoi avoir choisi le nom "L'Expo, jusqu'au bout de nos doigts" ?
Marie Colombié : Oui, exactement, mon marathon démarre ce week-end à Montréjeau. J'ai décidé d'intituler toutes mes expositions solo "Jusqu'au bout de nos doigts" cette année. C'est un clin d'œil au projet que nous montons avec six photographes professionnels, Stéphanie, Sophie, Didier, Yann, Frankie, Christine, ainsi que l'association des déficients visuels de Pamiers "Pourquoi pas moi clair". Chacun de nous sera à la fois acteur et artiste. Ensemble, nous ressentirons les photos jusqu'au bout de nos doigts...
Ce titre évoque également la chanson d'Amel Bent "Jusqu'au bout", dont certaines paroles résonnent très fort en moi, comme "je veux que l'on m'entende", car on nous voit mais j'ai l'impression qu'on n'entend pas le message que nous portons...
De toute façon, je suis quelqu'un d'entier, je suis vivante jusqu'au bout des doigts !
P.T. : Quelles sont les créations que tu exposes à Montréjeau ?
M.C. : Depuis quelques années, je participe à l'exposition "Ville et handicap" et chaque année, à l'Office du Tourisme, je présente les tableaux que j'ai réalisés entre le mois d'avril et le mois de février. Cette année, j'ai ajouté ce que je considère comme le plus important, deux tableaux issus du projet : "Le pêcheur" de Stéphanie Poulain Vocoret et "Le pêcheur de Madagascar" de Didier Hillion.
P.T. : Le week-end du 23 et 24 mars, tu es invitée d'honneur à Réalmont dans le Tarn pour "L'Art amateur à Laboutarié". Un grand honneur, non ? Est-ce une première pour toi ?
M.C. : Effectivement, je suis extrêmement heureuse de l'honneur qui m'est accordé, surtout que c'est une première pour moi et dans le Tarn qui plus est. De plus, le vendredi 22 après-midi est réservé aux scolaires, et j'aurai l'opportunité de faire découvrir les photos sculptées des photographes aux enfants, en leur bandant les yeux. Pour moi, c'est une récompense incomparable. Les enfants sont généralement très réceptifs et curieux, ce qui rend cette expérience d'autant plus précieuse.
P.T. : J'imagine que tu vas enchaîner des expositions en solo durant les prochains mois ?
M.C. : Oui, en effet, j'ai plusieurs expositions solo prévues. Bien sûr, il y aura celle à Luchon en octobre, mais également à Quint Fonsegrives dans le cadre de "Ville pour Tous Toulouse et Métropole" en juin. Ensuite, je serai à la Tour du Crieu dans l'Ariège lors du "Salon du Livre Solidaire d'Emmaüs" fin avril. Pour la journée du patrimoine en septembre, je serai dans le Tarn, à quelques kilomètres de chez moi, mais je révélerai l'emplacement plus tard. Enfin, je participerai à Carmaux à la "Nuit du Handicap" en juin.
P.T. : Peux-tu nous parler du projet auquel tu participes avec des photographes professionnels et l'association "Pourquoi pas moi..." ?
M.C. : Ce projet est un rêve qui me tenait à cœur depuis deux ou trois ans. L'année dernière, lorsque Stéphanie Poulain Vocoret a ouvert la voie en me proposant le pêcheur, j'ai tout de suite accepté. Ensuite, les autres photographes ont rejoint le projet, ce qui a fait boule de neige. Ils sont six au total aujourd'hui : Didier Hillion, Sophie Loustau, Yann Verrier Sauvaire, Stéphanie, Frankie Bastide et Christine Collomb.
J'aurais pu simplement réaliser les photos et leur présenter le tableau pour qu'ils l'exposent avec leurs photos, mais cela n'aurait pas eu beaucoup d'intérêt. Le but est de créer un projet commun et de les réunir avec les photographes non-voyants. Il existe déjà une exposition "Arts dans tous les sens" qui est née en 2019 à Luchon.
Pourquoi ne pas lier les deux ?
Financièrement, cela serait plus facile, mais pour moi, ce serait du réchauffé. L'intérêt du projet est que chacun soit acteur sans différences. Dans un projet, c'est ce qui motive et qui porte. Mon but est de faire quelque chose de nouveau où chacun aura existé et participé. Il n'y aura que des acteurs du projet, il faut que chacun ait sa place, vivre et exister ensemble avec nos différences sans différences.
J'espère vraiment que nous trouverons le soutien nécessaire.
J'ai pris l'initiative d'en réaliser neuf. Parfois, il faut savoir donner des ailes à ses rêves. Comme en plus je commence toujours par la fin, je sais où j'aimerais exposer le projet : à l'Institut des Jeunes Aveugles à Paris.
Lorsqu'on rêve, il faut rêver grand.
Mon but est aussi d'ouvrir les galeries photos aux non-voyants. Tu me diras qu'elles ne sont pas fermées, non bien sûr, mais en mettant quelques photos sculptées, deux ou trois. Lorsqu'un photographe expose, c'est un signe fort pour les non-voyants et une inclusion véritable. En plus, c'est le lien qui va permettre au galeriste d'expliquer tout le reste de l'exposition, on fait tomber des barrières. Lors de l'exposition de la Tour du Crieu, Sophie Loustau sera présente et c'est génial.
J'attends ce moment avec impatience, la rencontre des non-voyants photographes et de la photographe, c'est des émotions garanties. Je me donne toute l'année 2024 pour faire aimer le projet et trouver les financements. Je verrai bien, on nous parle toujours d'inclusion, enfin dans les réunions. Là, j'offre le moyen à ceux qui en font une propriété la possibilité d'agir.
P.T. : En juillet prochain, cela fera dix ans que j'ai réalisé ta première interview alors que tu exposais à la Maison du Curiste de Luchon. Je venais tout juste de créer "Luchon Mag". Quel chemin parcouru en dix ans. Heureuse, alors ?
M.C. : Je suis très heureuse, je n'aurais jamais imaginé vivre tous ces bonheurs. Je dois énormément à la ville de Luchon, aux municipalités successives et à ses habitants qui ont formé une belle chaîne humaine pour que j'aille toujours plus loin. Je vis un rêve éveillé. Merci Paul de m'avoir soutenue dès le début et d'avoir toujours cru en moi. J'espère que l'année prochaine je pourrais appeler mes expositions solo "Au bout de nos rêves". Ce serait l'aboutissement de notre travail à tous pour aboutir.
Paul Tian : Le mot de la fin ?
Marie Colombié : Ensemble, on va plus loin !
Coté pratique pour les deux prochaines expositions de Marie Colombié :