L’initiation sexuelle à l’ère des sites pornos : chronique d’un désastre silencieux
La sexualité des adolescents se construit désormais sous l’influence des sites pornos, souvent loin de la réalité et de la tendresse.
Il y a des sujets dont on parle à demi-mot, comme si les nommer risquait de leur donner plus de pouvoir. Pourtant, à force de détourner le regard, on laisse s’installer des réalités qui, elles, n’ont pas besoin de notre permission pour s’imposer. L’accès des adolescents à internet est l’un de ces territoires minés. On s’inquiète, à juste titre, de la violence banalisée, des fake news qui prolifèrent comme des champignons après la pluie, de la captation hypnotique des écrans.
Mais il est un angle mort, un tabou qui, à mon sens, mérite qu’on s’y attarde sans détour : le porno.
Des chiffres qui claquent comme une gifle
Soyons factuels, comme un sondage qui ne prend pas de gants : à douze ans, un enfant sur trois a déjà vu des scènes pornographiques. Avant quinze ans, c’est 62% de nos adolescents. Et sur l’ensemble des mineurs, ce chiffre monte à 82%. Un tiers d’entre eux, surtout des garçons, sont accros.
Voilà, c’est dit.
L’initiation sexuelle des enfants ne se fait plus ni sur les bancs de l’école, ni dans les livres, ni même dans le secret des confidences entre pairs. Elle se fait sur Pornhub, YouPorn et consorts. Et cela, c’est une catastrophe silencieuse.
Loin de la pudibonderie, près de la réalité
Je ne plaide pas pour un retour à la pruderie d’antan, celle qui a laissé des générations entières dans l’ignorance et la honte. Non, la question n’est pas là. Le drame, c’est que le porno est tout simplement l’antithèse de la sexualité joyeuse, de l’érotisme, de la découverte mutuelle, de la tendresse. Le porno, c’est l’assassinat du sexe, la négation de la beauté du désir partagé.
Le spectacle du vide
On peut – on doit – s’interroger sur cette étrange manie de transformer l’intimité en spectacle. Le plaisir, ce plaisir-là, n’est pas objectivable. L’amour des corps, c’est l’entre-soi par excellence, un jeu qui ne concerne que ceux qui y participent. La mode des sextapes, la banalisation de la violation de l’intimité, révèlent à quel point notre regard, prolongé par la caméra, a perdu sa fonction première : voir, non pas exhiber.
La parodie triste du sexe
Mais qu’est-ce que le porno, au fond ? Une relation sexuelle sans approche, sans effleurements, sans baisers, sans paroles. Un enchaînement mécanique, dépourvu d’histoire, de sens, d’émotion. Des corps nus, sans raison, qui copulent sans pourquoi, sinon pour l’argent – dans le meilleur des cas. On assiste à une forme d’esclavage plus ou moins consenti. C’est la négation même de la beauté du sexe, de sa puissance créatrice, de son inventivité.
Inventer autre chose
Ne laissons pas les jeunes faire de cette parodie sombre un modèle. Ils méritent mieux, tellement mieux. L’éveil du désir, la découverte de l’autre, la tendresse, la maladresse, la poésie des premiers émois : tout cela existe, et c’est infiniment plus riche, plus inventif, plus humain que ce que leur propose l’industrie du porno.
Il est temps de rouvrir le dialogue, d’oser parler, d’inventer de nouvelles façons d’accompagner les adolescents sur ce chemin.
Parce qu’en matière d’amour, il n’y a pas de substitut à la vraie rencontre.
Les jeunes et les gens en général sont conditioner .