Les figues de l'enfance : souvenirs éclatés sur un trottoir
Les figuiers, de l'Algérie au Minervois... comme un voyage au cœur de mes souvenirs d'enfance.
Ce matin, en passant devant ce figuier dont les fruits mûrs éclatés, répandaient leur chair sur le trottoir, un flot de souvenirs m’a envahi.
Comme un parfum ancien qu’on redécouvre par hasard, l’odeur enivrante des figues, qu’elles soient vertes, noires ou violettes, a réveillé en moi des souvenirs d’enfance que je croyais oubliés, enfouis sous les couches de temps. Je me suis soudainement rappelé que, tout au long de mon enfance, les figuiers avaient été mes compagnons silencieux, dressés dans les jardins des maisons familiales, de l’Algérie au Minervois, comme autant de gardiens de souvenirs.
Chez mes grands-parents, il y avait toujours au moins un figuier accueillant, étalant ses branches comme pour nous inviter à cueillir ses fruits. J’aimais plonger la main dans le feuillage dense pour en sortir une figue mûre, chaude de soleil.
La figue, pour moi, est une madeleine de Proust, ce fruit qui renferme tout un monde de sensations, d’odeurs, et d’images qui surgissent à la moindre évocation.
Proust, d’ailleurs, parlons-en…
Un auteur qui, bien qu’essentiel pour beaucoup, n’a jamais trouvé sa place dans mes bibliothèques. Peut-être est-ce justement parce que je n’ai jamais eu besoin de ses pages pour voyager dans mes souvenirs. Mes figues me suffisaient.
Aujourd'hui encore, pendant la saison, je vais en Espagne pour retrouver ces fruits que j'aime tant. Sur les marchés, je les choisis avec attention, heureux de leur abondance, de leur qualité, et (aussi) de leur prix raisonnable, bien moins onéreux qu'en France.
Je suis toujours étonné de constater à quel point des souvenirs d’enfance peuvent resurgir avec une force inouïe à la simple vue d’un objet, d’une odeur, d’un paysage familier. Une vieille réclame effacée, une devanture défraîchie, un objet anodin sur l’étalage d’un vide-grenier…
Et aujourd’hui, ces figues éclatées sur le trottoir qui sont bien plus que des fruits pour moi ; elles sont les clés d’un passé lointain, où l’été, sous l’ombre des figuiers, je prenais le temps, en silence, de les déguster à pleine bouche, sans imaginer, un seul instant, qu’elles resurgiraient des décennies plus tard.
(Photo © Paul Tian)