Le poids léger du silence
Quand le jour décline, tout devient possible — même l’espoir muet d’un peu de paix.
(Photo © Paul Tian)
On devine à peine les pas. Pas feutrés, presque timides, sur les pierres encore chaudes du quai. La lumière décline, mais lentement — comme si le jour refusait poliment de céder la place. Le Lac Léman s’étire dans cette lumière d’ambre et de corail. Une surface paisible, à peine ridée, qui absorbe le monde sans protester.
Il y a cette heure — ni jour, ni nuit — où l’on ne sait plus très bien ce qu’on fait là, sinon simplement être. Une promenade sans but, sans montre. L’esprit en veille, le cœur qui se défroisse. On respire plus doucement.
Cette ville suisse a ce don : celui de l’instant suspendu. Les Alpes là-bas, comme une promesse. Mais ici, c’est le silence qui parle le mieux. On entend l’eau. Pas vraiment un bruit. Une présence. Comme une respiration parallèle. Un banc. On s’assied. Parce qu’on peut.
La tiédeur inattendue d’un souffle d’air sur la nuque. Le clapotis léger, hypnotique. Et puis, cette senteur d’algues et de bois mouillé. Pas désagréable. Une odeur d’ici.
Une joggeuse passe, silhouette sombre entre deux réverbères. Elle s’éloigne, indifférente, et c’est très bien ainsi. On est seul, mais plein. Plein de tout ce qui ne pèse pas.
On ferme les yeux. Pas pour dormir. Pour mieux voir. Oublier les affres du monde. Les notifications, les délais, les nouvelles bruyantes.
Il y a quelque chose de très ancien ici. Une paix sans instruction. Rien à comprendre. Rien à résoudre. Et c’est là, dans cette simplicité nue, que l’on se sent loin de tout — et peut-être pour une fois, juste assez proche de soi.
Le jour s’éteint doucement. Pas de finale spectaculaire. Un fondu, délicat. Et cette pensée : demain, il reviendra.
L’espoir, ce n’est peut-être que cela. Pouvoir marcher dans la nuit, les épaules détendues, et croire qu’un simple coucher de soleil peut tout recommencer.
© Paul Tian
c'est très beau , très bonne journée .