L’agrivoltaïsme en débat aux Pyrénéennes
Les Pyrénéennes, le salon de l'agriculture du Comminges, ouvre ses portes ce jeudi 19 septembre, au parc des expositions de Villeneuve-de-Rivière, pour quatre jours.
Ci-après, un article de l’association Sauvegarde des Terres Commingeoises, associée à d'autres collectifs mobilisés sur la question de l'agrivoltaïsme :
A l’occasion du salon des Pyrénéennes, l’agrivoltaïsme occupera une place significative avec la présence d’énergéticiens, d’acteurs locaux et de collectifs engagés dans le piémont pyrénéen pour une transition énergétique respectueuse de l’agriculture et de la biodiversité.
L’offensive des énergéticiens et des Chambres d’agriculture
Les 4 et 5 septembre s’est déroulé Innov-Agri à Ondes près de Toulouse, le plus grand salon en plein champ de matériel agricole en France. Les énergéticiens y étaient présents en force avec plus de vingt entreprises, d’Engie à TotalEnergies en passant par RWE, TSE, Valeco, Valorem, pour présenter auprès des 26 000 visiteurs, essentiellement des agriculteurs, leurs projets de centrales solaires au-dessus des champs, que l’on appelle agrivoltaïsme. Sur le papier de leurs catalogues, l’offre est alléchante : c'est l'opportunité du moment avec une promesse de gain annuel de 3500 € environ à l’hectare pour l’exploitant et 2500 € environ aux collectivités. Premier obstacle, ce modèle est inégalitaire : seuls quelques agriculteurs touchent le jackpot et 90% de la valeur de la production électrique reste aux mains des énergéticiens. Certaines Chambres d’agriculture refusent l’agrivoltaïsme, d’autres souhaitent un partage de la valeur plus équitable. Ainsi celle de la Haute-Garonne promeut depuis début 2024 un modèle collectif, charte et label à l’appui, pour espérer déployer des structures solaires sur plus de 1000 ha, rémunérer les agriculteurs 1200 € environ par mois et toucher entre 300 et 600 agriculteurs sur les 5000 que compte le département. Une quinzaine d’énergéticiens et une centaine d’agriculteurs haut-garonnais seraient actuellement intéressés par ce modèle qui transformerait les agriculteurs en entrepreneurs-investisseurs, financés par les banques.
Conséquences sur l'agriculture
Deuxième obstacle, la réalité du terrain, comme le font remarquer la Confédération paysanne, syndicat agricole à la pointe dans la lutte contre l’agrivoltaïsme, ou la Coordination rurale à Innov-Agri par la voix de Michel Le Pape, agriculteur bio référent national sur la question de l’agrivoltaïsme : « l’agrivoltaïsme risque d’ouvrir la boîte de Pandore », avec une spéculation qui déstabiliserait certaines filières de l’agriculture. « De partage de la valeur générée par les projets agrivoltaïques, on risque de se retrouver avec un partage des déficits » dans l’agriculture, insuffisamment rémunératrice. Une vigilance doit aussi être portée sur le bon partage de la valeur au sein du fonds départemental, appelé Gufa, destiné à financer des projets et des filières agricoles.
L’agrivoltaïsme dégrade la biodiversité
Troisième obstacle, l’agrivoltaïsme accélère l’effondrement du vivant, en plus d’une baisse des rendements agricoles. « La lutte contre le changement climatique, et la transition énergétique en particulier, ne doit pas conduire à accélérer le déclin de la biodiversité » clame le Conseil national de protection de la nature (CNPN), instance suprême en France d’expertise scientifique et technique, compétente en matière de protection de la biodiversité. Celle-ci a présenté début septembre un avis de 90 pages comprenant 21 recommandations en faveur du respect des espèces et des écosystèmes. Le CNPN souligne que l’un des « inconvénients majeurs » du solaire est qu’il s’agit de l’une des sources d’énergie qui « consomme le plus d’espace ». La plupart de leurs préconisations tournent autour du soutien à l’équipement des zones déjà artificialisées et du refus d’autoriser tout nouvel équipement photovoltaïque sur des espaces naturels (forêts, zones humides, lacs) et semi -naturels (prairies pâturées, terres agricoles ou en déprise). Les énergéticiens et les Chambres d’agriculture renonceront-ils alors à leurs projets d’agrivoltaïsme ? Cela dévalue-t-il le récent décret sur l’agrivoltaïsme, déjà contesté par des recours juridiques ? L’avis du CNPN va dans le droit fil de la loi européenne de novembre 2023 sur la restauration de la nature, un accord historique en faveur de la renaturation d’ici 2050 y compris des prairies et champs, et la feuille de route Agriculture et énergies renouvelables de la Région Occitanie de décembre 2023, qui « rejette avec conviction les projets pouvant dégrader la biodiversité et les paysages. »
Un PNR avec ou sans agrivoltaïsme ?
Quatrième obstacle, ce même CNPN joue un rôle majeur dans la création du futur Parc Naturel Régional Comminges Barousse Pyrénées, frontalier de celui des Pyrénées ariégeoises. Il devrait voir le jour en 2026 sous la forme d’un syndicat mixte d’aménagement et de gestion qui absorbera l’actuel PETR Comminges Pyrénées regroupant les trois intercommunalités du Comminges. En avril 2024, des rapporteurs du CNPN sont venus trois jours en Comminges. En juillet, les élus locaux ont défendu le projet du PNR au siège du CNPN à Paris. Le PNR a pour ambition d’être « le parc des transitions », notamment énergétique. Le PNR peut-il être viable s’il se couvre de parcs agrivoltaïques ? Une quinzaine de projets de centrales ont été actuellement recensés dans le périmètre du futur parc.
Une Charte de la terre pyrénéenne
Tout le long de la chaîne pyrénéenne, les projets de parcs agrivoltaïques se multiplient. Ils suscitent de plus en plus d’opposition au fur et à mesure que ses habitants s’informent, constatent tous ces obstacles, organisent des manifestations et montent des collectifs contre l’agrivoltaïsme, comme l’association Sauvegarde des terres commingeoises dans le sud de la Haute-Garonne, le collectif Caulet survolté en Volvestre et le collectif de sauvegarde des terres de la vallée de l’Arize en Ariège. A l’occasion des Pyrénéennes où se tiendront des conférences sur l’agrivoltaïsme avec la présence d’énergéticiens, ces collectifs s’unissent pour lancer une Charte de la terre pyrénéenne. En dix points, celle-ci appelle les agriculteurs, élus et citoyens à s’engager pour une agriculture et une transition énergétique responsables, comme l’installation de panneaux solaires sur les bâtiments, maisons et terrains déjà artificialisés, afin de préserver la vocation agricole et naturelle des terres, nourricières et paysagères.
Article et photos : Sauvegarde des Terres Commingeoises
Trois conférences aux Pyrénéennes aborderont le thème de l'agrivoltaïsme :
Jeudi 19 septembre 2024 de 10h30 à 11h au pôle développement durable : Paysans producteurs d’énergies Organisée par le PNR Comminges, Barousse, Pyrénées
Vendredi 20 septembre 2024 de 14h30 à 15h30 au Stand de la Communauté de communes Cœur & Coteaux Comminges, Halle des Pyrénées : Gérer une exploitation avec des activités diversifiées (cultures, élevage, énergie, transformation etc) Organisée par Cerfrance Gascogne Occitane
Vendredi 20 septembre 2024 de 15h30 à 16h au Stand de la Communauté de communes Cœur & Coteaux Comminges, Halle des Pyrénées : Agrivoltaïsme : qu’est-ce ? Quel est l’encadrement réglementaire ? Organisée par la DDT
(Photo : Espace photovoltaïque au salon Innov-Agri 2024 à Ondes en Haute-Garonne)
(Photo : La Charte de la terre pyrénéenne lancée par des collectifs opposés à l'agrivoltaïsme)
Sauvegarde des Terres Pyrénéennes, côté pratique :
Internet : www.terrescommingeoises.fr
Email : terrescommingeoises@gmail.com
Facebook : facebook.com/terrescommingeoises
X (Twitter) : x.com/terrescomminges
le super profit est dans la pratique des gros exploiteurs , que cela aura des incidences, sur les champs
de cultures !