Je me souviens, en revisitant les méandres de mon enfance façonnée au creux des convulsions de la guerre d'Algérie, avoir été frappé par l'omniprésence d'une étrange amnésie. Comme si j'avais drapé d'un voile épais les contours d'événements douloureux, des pans entiers de mon passé auraient pu rester confinés, prisonniers d'une ombre insondable. Toutefois, un caprice du hasard, un événement informel, étrangement détaché du traumatisme qui dormait en moi, les a libérés.
Il est commun de laisser enseveli dans les profondeurs de notre histoire ce genre de traumatisme, de le laisser germer dans l'inconscient, comme une graine sombre attendant son moment. Puis, sans avertissement préalable, sans que les raisons de ce réveil ne se dévoilent, il s'érige en une obsession. C'est de cette obsession que naît un récit, un récit tissé de fils de mémoire entremêlés, un patchwork de souvenirs à reconstruire. Mais dans cette quête, l'incertitude règne en maître, car les frontières entre le réel, l'imaginaire et le fantasmé s'estompent, effacées par le temps. Il n'y a plus personne à qui se raccrocher, plus personne pour guider les fragments éparpillés de cette enfance égarée au cœur des tumultes d'une guerre qui avait balayé tout repère.
Ainsi, je me trouve face à la tâche ardue de démêler le vrai du faux, de redonner vie à des instants qui pourraient être des mirages ou des réalités enfouies. Ces souvenirs émergent telles des étoiles lointaines dans le firmament obscur de ma mémoire, et je me retrouve en quête d'une vérité insaisissable, seule dans l'obscurité de mes pensées, cherchant à donner forme à une chronique qui a sombré dans l'oubli, à redonner une voix à ces murmures perdus au gré des vents de la guerre.
(Photo de Matthew Moloney sur Unsplash)