Je me souviens des petits cireurs de rue, qui avaient mon âge et que les européens appelaient "yaouleds" avec beaucoup de dédain. Quand je les croisais en allant à l'école, je ne comprenais pas les raisons de leur présence dans les rues. Jeune enfant, je n'avais pas encore conscience des différences de classe, pas conscience que le colonialisme c'était aussi ces images dans la rue de l'inégalité totale entre les différentes populations qui se côtoyaient tout en s'ignorant.
Plus tard, c'est en posant une question à mon père sur ces petits cireurs de rue que j'ai compris aussi les raisons de la violence de cette guerre qui nous pourrissait le quotidien. Je me souviens que les européens, que l'on nomma plus tard, après leur exil d'Algérie "pieds-noirs", quand ils parlaient à leurs domestiques utilisaient le terme péjoratif de "Mo'amed" pour les hommes et de "Fatma" pour les femmes. Jamais par leurs noms ou par leurs prénoms.
Enfant, on enregistre les inégalités, le racisme, la haine de l'autre sans réelle compréhension. C'est plus tard, que tout ressort et que la mémoire redonne sens à ces injustices de l'humanité.
(Photo : capture vidéo INA / Télévision Alger)