Je me souviens, avec une clarté étonnante propre à l’enfance, de l’époque où mes parents m’ont conduit à explorer le chantier colossal du pipe-line d’Hassi-Messaoud. C’était un univers pharaonique, englouti par les étendues sahariennes, où les engins de chantier s’avançaient avec une aisance dans le sable, tels des géants défiant l’immensité des dunes.
Le retour de cette expédition fut marqué par la défaillance de notre fidèle Renault 4CV, à proximité d’Aflou, surnommée “capitale du djebel Amour”, l’une des villes les plus glaciales d’Algérie.
Les détails de cette panne échappent à ma mémoire, mais l’urgence avec laquelle mon père avait réussi à donner l’alerte m’étonne toujours, dans cette obscurité grandissante.
En attendant la dépanneuse, nous nous sommes retrouvés camouflés derrière un bosquet, à quelques dizaines de mètres de la voiture épuisée, plongés dans un silence absolu. Les échos du Sahara semblaient résonner avec la gravité du destin qui se tramait pour nous.
Une fois notre véhicule pris en charge, nous avons été hébergés chez des colons que mon père connaissait vaguement par son travail. Quelques jours plus tard, mon père nous révéla que la ferme où nous avions passé la nuit, avait été incendiée par des combattants du FLN en lutte pour l’indépendance de l’Algérie, qui était aussi ma terre natale.
Ainsi, dans cette étendue reculée du Sahara, la guerre d’Algérie, même si elle n’existait pas officiellement dans les discours, se manifestait, une fois encore, à travers les événements qui secouaient notre existence. L’enfance, souvent abritée des réalités complexes, ne pouvait échapper aux ombres sombres qui se dessinaient implacablement sur le sable de notre quotidien, laissant des traces indélébiles dans le tissu des souvenirs.