Je me souviens des pages cornées des livres de mon enfance, où les récits s'évadaient toujours vers des contrées lointaines, mais jamais vers les terres de ma propre naissance. Ces pages n'accueillaient que le Chaperon Rouge, les petits cochons, les hivers froids ponctués de neige et de glace, ainsi que des enfants, filles et garçons, aux yeux bleus, aux boucles blondes…
Les jours d'école me reviennent en mémoire, avec les leçons de géographie décrivant le climat tempéré de la France, et l'histoire résonnant du chant de “mes ancêtres les Gaulois”. L'Algérie, ce lieu où nos existences avaient pris racine, était soigneusement omis, relégué dans les coulisses de l'ignorance, tel une ombre oubliée dans les méandres de la mémoire collective.
Avec une pointe d'amusement, je me rappelle des éclats de rire suscités par les mimiques de Mouloud, répétant avec une malice taquine les paroles de notre instituteur, Monsieur Moreno : "Nos ancistres, les goulouais..." Cette déformation espiègle soulignait la déconnexion avec la réalité des origines de la très grande majorité des élèves, une touche d'humour dans l'ignorance collective qui voilait notre passé, notre histoire…
(Photo illustration : la cour de mon école primaire à Tiaret en 2018 © Paul Tian)