Je me souviens de l’époque baignée de pudeur qui caractérisait les journées ensoleillées sur la plage des Sablettes à Mostaganem, en Algérie, où résonnaient les rires des familles et le murmure des vagues. Ancrés dans cette communauté côtière, mes grands-parents paternels m’ont laissé des souvenirs indélébiles de ces moments empreints d’un rituel particulier, destiné à préserver la décence au moment de se changer sur le sable fin.
Ainsi, je me rappelle la délicate chorégraphie des femmes et des hommes, une danse silencieuse entre le désir de profiter de la mer et l’obligation de respecter les conventions sociales. Leurs gestes, empreints de retenue, semblaient prolonger l’instant, un manège qui n’en finissait pas, entre l’ombre des parasols et la lumière éclatante du soleil méditerranéen.
C’était là, sur le sable chaud, que j’ai aperçu les seins naissants de ma cousine, un bref émoi qui a marqué le passage de l’innocence à la découverte. Comme l'évoque Anaïs Nin, “Les maillots de bain deviennent des toiles délicates, des paravents intimes où chaque pli cache et révèle à la fois.” Ces mots semblent capturer la complexité et l'intimité de ce moment.
Ces instants, imprégnés du parfum salé de la mer et du rire des enfants, demeurent gravés dans ma mémoire comme des fragments d’une enfance algérienne, où la pudeur se mêlait à la beauté simple de la vie sur le littoral. Chaque mouvement, chaque éclat de rire, était une pièce du puzzle de ces périodes d’insouciance à Mostaganem, où cette splendide “plage des sables d’or” était le théâtre d’une élégance discrète, d’une grâce préservée sous le chaud soleil d’Algérie.
Je me souviens encore de ces brefs intermèdes au milieu de la violence de la guerre. Ces souvenirs deviennent des oasis éphémères, des sanctuaires préservés au sein de la tourmente, rappelant la fragilité et la résilience d'une enfance confrontée à l'ombre de conflits tumultueux.
(Photo © Paul Tian)
“Au milieu de l'hiver, j'ai découvert en moi un invincible été.” (Albert Camus)