France : la honte républicaine des sans-abri
En juillet 2017, le président Emmanuel Macron promettait avec assurance un “Zéro SDF” d’ici la fin de l’année. Pourtant, sept ans plus tard, la triste réalité se dessine avec 330 000 sans-abri dans les rues de la France, dont 3 000 enfants. Cette semaine, le froid a coûté la vie à au moins deux personnes sans abri, des sexagénaires, un homme en Seine-Saint-Denis et une femme dans le Vaucluse (lire ici).
Ces décès, probablement dus à la vague de froid, ne sont que le reflet brutal de la vie précaire qu’ils menaient. Comment en est-on arrivé là ? Quelles sont les causes de ce phénomène ? Et surtout, que fait l’État pour y remédier ?
En 2024, malgré les discours politiques grandioses, l’État se montre impuissant à instaurer une véritable politique de solidarité et d’égalité. Les 120 millions d’euros alloués par le ministère du Logement pour les places d’hébergement d’urgence ne résolvent pas le problème de manière durable. Ils ne font que déplacer le problème, sans offrir de solutions pérennes aux personnes sans domicile fixe. Ces morts dans l’indifférence médiatique et collective soulignent une réalité persistante. Les sans-abri sont trop souvent ignorés, qu’ils soient découverts dans une cave, sur un trottoir sous des couvertures, sur un banc dans un parc. La discussion de ces décès en hiver, attribués au froid, occulte la réalité estivale tout aussi meurtrière pour les sans-abri.
En 2022, 624 personnes vivant dans la rue ou en structures d’hébergement provisoire sont mortes en France, selon un rapport publié par le collectif Les morts de la rue, soit plus d’une par jour, et ce chiffre ne cesse d’augmenter chaque année.
Parmi les dizaines de milliers de personnes sans abri, un quart sont d’anciens enfants placés à l’Aide sociale à l’enfance (ASE). Il y a aussi des travailleurs qui, en raison de leur précarité et des prix élevés des loyers, se retrouvent sans logement. Être SDF en travaillant en 2024, voilà l’échec flagrant d’une République se targuant de liberté, égalité, et fraternité. Mais il y a aussi des personnes qui ont connu des accidents de la vie, comme la maladie, le divorce, le deuil, ou la violence. C’est le cas de Jean, 58 ans, qui vit dans la rue depuis trois ans. “J’avais une femme, un travail, une maison. Et puis tout a basculé. Ma femme est morte d’un cancer, j’ai perdu mon emploi, je n’ai pas pu payer le crédit, j’ai été expulsé. Je n’avais plus rien, plus personne. Je me suis retrouvé à la rue, sans espoir, sans dignité”.
Le décompte alarmant de 330 000 sans-abri dans les rues est une véritable honte, une honte républicaine ! Nos gestes de soutien, nos pièces, nos viennoiseries, tout cela semble insignifiant face à la détresse humaine, d’autant plus que sans une volonté politique, les statistiques prévoient une augmentation constante, dépassant probablement les 350 000 SDF d’ici 2025 ou 2027.
À l’approche des élections, un candidat promettra à nouveau de fournir un toit à tous les sans-abri, répétant ainsi un cycle désespérant observé avec Macron, Sarkozy, Jospin, et d’autres. Le froid et la chaleur extrême tuent, mais c’est avant tout le manque de volonté politique à trouver des solutions durables qui condamne chaque année des hommes et des femmes dans les rues de France.
Face à cette situation intolérable, osons nous poser cette question : sommes-nous encore une nation fraternelle ?
A lire :
Dernier rapport annuel sur l’État du Mal-Logement en France de la Fondation Abbé Pierre (pour le télécharger, cliquez ici)
(Photo de Carlos Torres sur Unsplash)