Fragments de lecture : Le silence des armes, la voix de ma mémoire (7)
Quand la passion pour les mots traverse les générations.
Les livres de Bernard Clavel ont toujours eu une place importante dans ma vie, et ce, bien avant que je ne les lise. C’était ma mère qui les avait découverts la première. Une passion dévorante pour l’œuvre entière de cet écrivain, qu’elle affichait fièrement dans la bibliothèque du couloir menant à la chambre parentale.
Des rangées de romans aux couvertures usées à force d’être manipulées, un monde littéraire qui m’appelait silencieusement chaque fois que je passais devant.
C’est cette passion maternelle qui m’a poussé à plonger moi aussi dans l’univers de Bernard Clavel.
Parmi ses nombreux romans, “Le silence des armes” reste gravé dans ma mémoire, comme un écho à mon propre passé. Mon enfance en Algérie, au cœur d’une guerre qui ne disait pas toujours son nom, m’a marqué d’une manière que je n’ai comprise que bien plus tard.
Comme vous le savez probablement, ce souvenir a nourri mon récit “Sirocco et Pastèque”.
Mais c’est en lisant “Le silence des armes” que j’ai ressenti, pour la première fois, une connexion intime entre mes expériences et celles d’un personnage fictif.
Bernard Clavel nous transporte à la fin des années 50, dans un petit village jurassien où Jacques Fortier, fils de paysans, revient de la guerre d’Algérie. Il est en permission de convalescence, malade, moralement détruit par les horreurs qu’il a vues et vécues. Ce retour n’a rien d’un soulagement. Sa maison natale, envahie par les ronces, est silencieuse. Ses parents sont morts : un père qui l’avait renié pour s’être engagé dans une guerre odieuse ; une mère qui, jusqu’à son dernier souffle, avait espéré le retour de ce fils révolté.
Ce roman, écrit entre 1972 et 1973, est bien plus qu’une simple histoire de retour à la terre.
C’est un manifeste antimilitariste d’une poignante modernité.
Bernard Clavel dénonce, avec une force rare, les atrocités et l’absurdité de toutes les guerres. Le poids des souvenirs, la redécouverte des racines, et cette introspection douloureuse que mène Jacques Fortier résonnent encore aujourd’hui.
Guérit-on jamais de la guerre ?
Peut-on rester un homme entier après avoir été brisé par le sang et la haine ?
Les descriptions de la nature jurassienne, si vivantes sous la plume de Bernard Clavel, participent à cette exploration de l’âme. Elles sont le miroir de l’état d’esprit de Jacques, un homme en quête de rédemption.
Mais la rédemption est-elle seulement possible dans une société qui refuse de tolérer ceux qui, par conviction, se placent hors des lois ?
Jacques Fortier est confronté à un choix cruel : repartir au front et renier tout ce qu’il a appris, ou jeter son uniforme et devenir un traître aux yeux de la société. Cette dualité, ce combat intérieur, m’a rappelé les propres dilemmes que j’avais pu observer, enfant, dans les regards des adultes autour de moi en Algérie.
En refermant “Le silence des armes”, je me suis souvenu de cette phrase célèbre d’André Gide, que mon père citait souvent :
“Le monde ne sera sauvé, s’il peut l’être, que par des insoumis.”
Ces mots me hantent toujours. Ils me rappellent que, face aux injustices, aux horreurs imposées par les puissants, le courage d’être insoumis est peut-être notre ultime chance de rester humains.
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Vive la littérature !
Et au diable les récupérations politiques trompeuses