Entre Garin et l'international, le voyage musical d'Olivier Bauchet
Entretien avec un musicien atypique avant la sortie de son single "etc..." le 8 août, à découvrir dans ma newsletter.
Paul Tian : Olivier, pourriez-vous vous présenter à mes lecteurs et lectrices ?
Olivier Bauchet : J’ai 52 ans et mes 4 dents de sagesse. Vers 5 ans tout s’est décidé lorsque j’ai décidé d’ouvrir le grand placard du salon de mes parents pour mettre en route la platine disque qui s’y cachait. J’avais déjà vu mon frère la mettre en service, ce fut donc un jeu d’enfant que de l'allumer… ! Le plaisir de voir le saphir se lever et se placer de lui-même sur le disque était presque magique, bien plus émouvant d’un bouton play sur un smartphone.
Un rite presque religieux. Il ne manquait plus qu’une génuflexion… !
Et là, les trois premiers disques m’ont mis sur le cul. La Passion selon Saint-Jean de Bach, le white album des Beatles, et le double album “cadeau de la vie” qui soutenait la recherche contre le cancer, avec le Sud de Nino ferrer.
En trois disques, j’ai su que j’allais faire de la trompette pour reproduire le solo de “Martha my dear” des Beatles, que j’allais m’orienter vers la musique religieuse en devenant organiste et chef de chœur, et enfin que j’allais tenter de faire la chanson ultime, celle qui permet à tout artiste de se dire qu’après ça il peut mourir en paix ou passer à autre chose, car le reste ne serait que superflu.
J’ai donc fait le conservatoire, suis devenu organiste et chef de chœur liturgique, ce qui pour un athée reste un sacré challenge… et le pire c’est que j’ai tellement adoré ça que je l’ai fait durant 15 ans.
Une blessure à la lèvre et aux zygomatiques m’a poussé à quitter le monde de la musique pour migrer vers la nouvelle économie du numérique .
Étant curieux, je me suis laissé aller à travailler dans diverses domaines, métiers d’arts, football, collectivités locales et un jour mon ordinateur m’a fait de l’œil. J’avais Garageband d’installé, ça m’a rappelé mes cours de composition électro-acoustique au CNR de Bordeaux puis à Paris, et je me suis dit… why not ?
De fil en aiguille ,j’ai repris le fil qui s’était rompu près de 20 ans plus tôt.
J’étais fait pour composer, m’y revoilà.
Paul Tian : Vous vivez à Garin, dans le Larboust. Est-ce un choix délibéré ? La création artistique au cœur des Pyrénées est-elle plus inspirante pour vous ?
Olivier Bauchet : Vivre dans le Larboust, c’est avant tout une histoire d’immigration, les pieds-noirs avaient envahi le plateau de Lannemezan après la guerre d’Algérie, les Périgourdins ont fait la même chose pour d’autres raisons dans le Larboust, entre Garin, Gouaux de Larboust et Les Agudes . Une bande d’artisans dont faisait partie mon père, ont découvert Les Agudes et ensemble ils ont co-construits leurs chalets pyrénéens avec vu sur la station. Ou presque…!
J’ai donc été conçu à Garin pendant la restauration d’une vieille grange en 1971. C’est donc là que j’habite par périodes plus ou moins longues, partageant ma vie entre le Larboust, le Périgord et le Portugal. Mais c’est à Garin que je suis administrativement résident.
Certes, je peux composer partout, mais là, je laisse la montre au coin du lit et je n’ai plus de contrainte, sauf celle des moutons qui passent, et des druses qui survolent la moraine !
J’y cultive une certaine misanthropie salvatrice, y expérimente une vie plutôt minimaliste et essentialiste ainsi qu’une recherche “spirituelle” très personnelle. À l’abri de ce que les sociétés sont capables de s’infliger de pire.
Mais surtout, je crois que c’est l’odeur de la montagne le matin à cet endroit spécifique ou je vis qui me met en joie dès le réveil.
Paul Tian : Vous m'avez dit être plus connu à l'étranger qu'en France. Est-ce que cela relève toujours de l'adage “nul n’est jamais prophète en son pays” ?
Étonnamment ma musique s’est plus diffusée à l’étranger sous d’autres pseudos, grâce principalement à des chorégraphes et des danseuses qui soit ont utilisé ma musique pour leurs spectacles, soit m’ont passé commande de créations originales.
C’est ainsi qu’une danseuse chorégraphe russe en Crimée a diffusé ma musique pour plusieurs de ses clips et spectacles. Ce qui a fait de moi une mini star sur Yandex et Vcontakt.
De la même manière trois chanteuses portugaises ont repris mes musiques pour leurs textes. Et deux argentines ont fait la même chose. Je vais d’ailleurs sortir un single à nouveau sous mon vrai nom à partir d’un poème de Edgar Allan Poe, “alone” qui sera sur la suite de l’album “outer home”.
Bref, nul n’est jamais prophète en son pays, et je ne m’en porte pas plus mal… de toute manière je n’aspire à aucune espèce de célébrité. Le Périgord étant protestant, l’idée d’être un jour enterré juste sous une croix sans nom me va très bien !
Paul Tian : Votre prochain single sort dans quelques jours. Vous m’avez indiqué que "Etc..." est un OVNI musical. Pourriez-vous expliquer pourquoi ?
Olivier Bauchet : Les deux albums que j’ai mis en ligne cette année “from dusk to dawn” et “outer home part 1” font partie d’une forme de roman musical instrumental qui va s’étirer sur les deux prochaines années avec la mise en ligne de 6 autres opus qui sont d’ailleurs quasiment finis.
C’est une œuvre de longue haleine. Mais parfois je me laisse aller à la chanson telle une récréation.
Je fais mes gammes tous les jours en mettant en musique des poèmes, Lamartine, Katherine Mansfield, Prévert, Victor Hugo, Verlaine ou Edgar Allan Poe dont “a dream whithin a dream” conclu l’album “from dusk to dawn”.
D’ailleurs, plus haut j’évoquais Nino Ferrer et le Sud, mais si j’avais dû arrêter la musique après mon chef d’œuvre j’aurais dû le faire avec cette chanson ! Bon, à priori j’en ai encore sous le coude !!!! Et “Etc…” en fait partie.
Je suis musicien et compositeur ; pour moi le style n’est pas un fin en soi mais plutôt un outil, un matériau. Je peux aussi bien utiliser des grilles de jazz, de blues, du reggae ou de la pop.
Et là, c’est une grille très jazz, une divagation personnelle, une recherche sur un son une atmosphère. Et aussi une histoire, celle d’une femme qui il y peu a fait une sorte de pèlerinage sur les lieux qui ont marqués sa vie amoureuse. Je l’ai croisé près de Granville, en Normandie, une ville que j’ai habité à une certaine époque. Notre courte rencontre était du reste aussi une sorte de pèlerinage personnel. Bref, une certaine forme de synchronicité.
On a juste échangé le temps d’un café au bout du comptoir d’un troquet face au port de pêche, mais en quelques mots j’ai senti un truc, l’histoire d’une femme avec une femme.
Après #meetoo, les histoires de genres, les mouvements woke, LGBT etc… cette petite chanson hors du temps, rappelle que l’amour et les désirs n’ont pas de genres. Ils ne souffrent d’aucun jugement, ni moral ni religieux. Ils se nouent et vivent dans une zone grise ou tout est possible à condition qu’on le vive pleinement.
C’est comme lorsque l’on prend pour la première fois du LSD, il faut le vivre pleinement sous peine de mauvais trip. Cette chanson est un OVNI car elle ne fait partie d’aucun projet, elle ne vit que par elle-même. Dans un style qui n’est pas celui que je cultive en ce moment au travers de mes albums.
Paul Tian : Vous m’avez parlé de l'utilisation de modes de diffusion alternatifs pour votre musique. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?
Olivier Bauchet : Être compositeur et vivre de sa musique, ça ne va pas ensemble ! Se diffuser est très compliqué, et les modes de rémunération via la diffusion sur les plateformes sont ridicules.
On parle quand même de 0,003 euros par diffusion.
Donc j’ai choisi des modes alternatifs. J’ai commencé il y a quelques années à mettre des QR codes tout le long de la côte portugaise entre Lisbonne et Peniche puis Nazaré. Et j’ai été scotché par le résultat. Le lien amenait les personnes vers un site bandcamp ou les gens étaient libres de télécharger gratuitement mes albums.
C’est devenu mon truc. C’est rigolo et ludique pour moi, car ça m’oblige à créer des pochettes originales qui sont en fait de vraies petites œuvres d’art, du moins j’aime le croire !!!
Aujourd’hui je vends les pochettes des projets que je crée avec un QR code à l’arrière afin que les gens puissent télécharger l’album par la suite, ou le single. C’est ce qui va se passer avec “etc…”.
Bien sûr cette chanson sera sur toutes les plateformes d’ici le 8 Août. En attendant le lien ci-après permet de l’écouter librement :
En parallèle, j’ai fait un truc rigolo cet été, j’ai disposé autour de Peniche et Lisbonne près de 5.000 petites pilules transparentes contenant un lien vers un autre single que j’ai composé à partir d’un poème de Richard Brautigan, “love poem” qui est une source de médication musicale pour toute personne souffrant d’un chagrin d’amour. Et c’est gratuit. On peut d’ailleurs l’écouter sans la pilule mais à partir de ce lien….