Course aux records : sommes-nous aveugles face à la catastrophe annoncée ?

Un navire colossal pouvant transporter plus de 17 000 conteneurs bat des records, mais incarne surtout la folie de notre monde qui, aveuglé par la démesure, court à sa propre perte.

(Photo illustration © Paul Tian)

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Vendredi dernier, le “MSC Marie”, un navire marchand battant pavillon du Liberia, a “marqué” l’histoire du canal de Panama en devenant le plus grand navire jamais enregistré à avoir franchi cette voie maritime en plus d’un siècle d’exploitation.

Avec ses 366 mètres de long et ses 51 mètres de large, ce mastodonte des mers est capable de transporter 17 640 conteneurs, une prouesse qui, au-delà de la performance technique, soulève des interrogations quant à notre obsession pour la démesure.

Folie humaine

Ce record, qui pourrait être célébré comme une étape supplémentaire dans la course au gigantisme, est en réalité un symptôme inquiétant de ce que j’appelle la “folie humaine”.

Dans un monde où les ressources s’épuisent et où les inégalités se creusent, cette quête insatiable du toujours plus grand, toujours plus vite, semble témoigner d’un aveuglement collectif face aux réalités économiques et écologiques qui menacent notre planète.

Qui nous menacent !

À l’heure où la planète souffre des effets du changement climatique, où les crises énergétiques et économiques se multiplient, la course au gigantisme maritime semble bien dérisoire.

Ce navire colossal, symbole de la mondialisation à outrance, illustre à quel point nous persistons à ignorer les limites physiques de notre planète. Loin d’être une solution, l’augmentation incessante de la taille des navires ne fait qu’aggraver les problèmes :

• émissions de CO2 en hausse,

• destruction des écosystèmes marins,

• exploitation sans fin des ressources naturelles.

Au lieu de repenser notre modèle économique, nous continuons à appuyer sur l’accélérateur, comme si les capacités techniques pouvaient à elles seules résoudre les défis de notre temps.

A quoi bon ?

À quoi sert-il de battre des records si c’est pour continuer à alimenter une machine économique qui nous mène droit dans le mur ? L’urgence est ailleurs. Elle est dans la prise de conscience que notre modèle de développement, basé sur l’expansion infinie et la surconsommation, est insoutenable.

Plutôt que de se réjouir des exploits technologiques qui permettent de construire des navires toujours plus grands, il serait temps de réorienter nos efforts vers des solutions durables :

• La rationalisation du transport maritime,

• la réduction des émissions de gaz à effet de serre,

• la protection des océans.

Catastrophe annoncée

Le “MSC Marie” est peut-être un triomphe d’ingénierie, mais il est aussi le symbole tragique de notre incapacité à faire face aux réalités de notre époque. La démesure qui le caractérise est une catastrophe en devenir, une illustration criante de la folie humaine qui consiste à vouloir toujours plus, sans jamais se poser la question du “pourquoi” et du “comment”.

Alors que nous sommes à un tournant décisif pour l’avenir de notre planète, ce record doit être vu pour ce qu’il est : non pas un exploit, mais un signal d’alarme.

Loin d’être une avancée, il est le reflet d’un système qui, faute de se réinventer, court à sa perte.

Notre monde est comme le Titanic, et nous le regardons couler en fermant les yeux, sans nous préoccuper des générations futures.

Les solutions existent, mais elles nécessitent une remise en question profonde de nos priorités. Et cette remise en question commence par reconnaître que la course à la démesure, loin de nous sauver, ne fait que précipiter notre chute.

En prendrons-nous réellement conscience un jour ?

J’ai comme un doute…

(Photo illustration © Paul Tian)