Cette main dans le granit !
Entre la main sculptée et celle qui écrit, il y a le même vertige : celui de vouloir dire...
(Photo © Paul Tian)
Je suis là, devant elle. Une main immense, figée dans le granit. Elle ne bouge pas, elle ne tremble pas. Elle est posée là, comme une évidence. Comme si la terre elle-même avait voulu écrire quelque chose, mais sans en dire trop.
Je pose ma propre main sur la sienne. Elle est froide, rugueuse, pleine de silences. Je sens sous mes doigts l’éternité du geste, le poids du temps, la lenteur des choses qui ne cherchent pas à aller vite.
Je pense à l’écrivain d’autrefois. Sa main tachée d’encre, le frottement du porte-plume sur le papier, le soupir entre deux phrases, le regard qui s’égare par la fenêtre, et le retour au mot, au mot juste, celui qu’on n’ose pas trop brusquer.
Aujourd’hui, ma main est ailleurs. Elle glisse sur un clavier lisse, sans aspérité, sans résistance. Un MacBook, aluminium froid, touches silencieuses, rétroéclairées. Le geste est le même, pourtant. Une main qui cherche à dire, à traduire ce qui ne se dit pas.
Mais il manque quelque chose. Le poids du mot, peut-être. Le frottement du réel. Le granit ne ment pas. Il ne corrige pas, il ne propose pas d’alternative.
Je laisse ma main sur la pierre encore un instant. Elle ne produit rien, mais elle reçoit. Elle écoute. Et peut-être que c’est ça, écrire. Recevoir avant de dire. Sentir avant de formuler.
Je retourne à mon clavier. La main est la même, mais elle a changé. Elle a touché quelque chose d’immobile, quelque chose qui ne cherche pas à plaire. Et dans ce silence minéral, je crois avoir trouvé un mot. Un mot qui ne s’écrira pas tout de suite, mais qui attend, comme le granit, que le temps fasse son œuvre.
Belle sculpture !