Américanisation à la française : une fascination à double tranchant
La France sous le charme américain : une fascination télévisuelle.
(Photo illustration © Paul Tian)
Il y a quelque chose de fascinant, presque ironique, à observer les plateaux télé français perchés dans des gratte-ciel de New York ou surplombant le Capitole de Washington pour couvrir l’élection présidentielle américaine. Ces images, retransmises avec une solennité quasi-religieuse, révèlent une vérité : la France, cette vieille nation fière de son identité culturelle, ne cesse de succomber aux charmes de l’Amérique.
“L'américanisation, une colonisation sans colons”, écrivait Régis Debray en 2018, soulignant avec une pointe d’amertume notre engouement pour cette démocratie outre-Atlantique.
Six ans plus tard, le sondeur Jérôme Fourquet enfonce le clou dans Métamorphoses françaises, son ouvrage percutant qui dissèque, chiffres à l’appui, l’influence tentaculaire de l’Oncle Sam sur nos modes de vie.
Une fascination si enracinée qu’elle ne semble plus ni émouvoir ni interroger.
Du Capitole à Marne-la-Vallée
Si la politique française se laisse séduire par les recettes américaines — rebaptiser l'UMP en “Les Républicains”, instaurer des primaires —, c’est peut-être dans le tourisme que l’américanisation se révèle avec le plus de flamboyance.
Disneyland Paris, temple de la magie made in USA, a attiré six Français sur dix depuis son ouverture.
Marne-la-Vallée n’est plus seulement une destination touristique, c’est un sanctuaire.
Mais tout cela n’est pas sans contraste. Là où les plus aisés rêvent de road trips en Mustang ou s’offrent un brunch dominical “so New York”, les catégories populaires s’approprient une américanisation plus accessible : prénoms anglo-saxons, danse country ou dîner dans une chaîne de fast-food.
Une “couche Yankee”, comme la qualifie Jérôme Fourquet, qui s’étend partout, mais se décline différemment selon les milieux.
Le prix de l’Amérique
L'influence américaine, si omniprésente qu’elle semble naturelle, n’est pourtant pas exempte de critiques. Prenons les 3 000 restaurants de chaînes américaines disséminés dans l’Hexagone. Derrière leurs slogans aguicheurs et leurs menus XXL se cache un bilan moins reluisant : une alimentation standardisée qui nourrit l’épidémie d’obésité, touchant majoritairement les classes défavorisées.
Pour certains, le rêve américain ressemble davantage à un cauchemar calorique.
Et pourtant, cette fascination persiste. Est-ce parce que l’Amérique, dans ses excès comme dans ses rêves, continue de symboliser une modernité que la France peine parfois à incarner ?
Ou bien est-ce simplement l’effet d’un soft power redoutablement efficace, nous vendant le mythe du possible tout en nous laissant les miettes ?
Un miroir à deux faces
L’américanisation n’est pas une fatalité, mais un choix — souvent inconscient, parfois délibéré. Si elle enrichit parfois notre quotidien, elle nous appauvrit aussi en uniformisant nos pratiques, nos goûts, nos idéaux.
À force d’adopter leurs codes, ne risquons-nous pas de perdre les nôtres ?
La prochaine fois que vous mangerez un burger en regardant CNN, souvenez-vous de cette chronique.
Derrière chaque bouchée, il y a une part d’identité qui fond. Mais peut-être qu’au fond, c’est ça aussi, être Français :
Savoir tout absorber, même ce qui n’est pas vraiment nous !
“Métamorphoses françaises. État de la France en infographies et en images”, de Jérôme Fourquet. Ed. Seuil. 208 pages, 29,90 €.